De quoi le citoyennisme est-il le nom ?

Retour audio et texte du débat sur le citoyennisme organisé par Alternative Libertaire Montpellier au Barricade, le jeudi 2 juin à 19h.

De quoi le citoyennisme est-il le nom ? from Alternative libertaire on Vimeo.

Le citoyennisme

Pourquoi vous avoir invité à cette réunion et choisi ce thème ? Tout simplement parce qu’AL s’inscrit dans les luttes et on a envie de vous parler des enjeux des luttes. Comme vous le savez, il y un affrontement massif entre travail et capital autour de la « Loi travail » depuis le mois de mars. D’un côté il y a le patronat, de larges fractions de la petite bourgeoisie, des syndicats à la botte du patronat, et l’ensemble des partis bourgeois UMP, FN et le PS, qui est le fer de lance de la loi. A l’appui, il y a la machine de répression et de contrôle social : Les médias, la police et la justice.

De l’autre dans le camp du travail : Des larges fractions du salariat : ouvriers du public, du privé, fonctionnaires, mais aussi jeunesse scolarisée et parties précaires du salariat chômeurs galériens, intermittents. Des forces syndicales : la CGT, Solidaires, FO, les mouvements et AG de la jeunesse, des mouvements plus autonomes : Nuit debout, mais aussi de nombreuses AG de luttes et interpro. En termes politiques, c’est les révolutionnaires : anarchistes, communistes libertaires, les autonomes, les anticapitalistes, mais aussi l’ensemble du Front de gauche… L’affrontement dure depuis 3 mois et on ne sait pas encore si nous allons gagner ou pas.

Au-delà de ce mouvement, se pose la question de qu’est-ce qu’on oppose au capital : on améliore ce qu’il y a ou alors se place dans une perspective de changement radical.
La question qui se pose est aussi ce qui sortira de ce mouvement dans notre camp.

En Grèce et en Espagne, c’est Syriza et Podemos. En France, se pose aussi la question, et c’est ce qui est en jeu avec le mouvement Nuit Debout et plus largement le citoyennisme. C’est pour cela qu’on va vous parler d’un certain nombre de penseurs.

« Frédéric Lordon, c’est comme les manif parisiennes, ça part à République et ça finit à Nation »

Pour commencer, il faut rappeler que le mouvement ouvrier et plus largement une bonne partie des révolutionnaires considèrent le sujet de classe émancipatoire comme la classe des producteurs, des travailleurs.
Cela a été remis en cause récemment par pas mal de courants. Ainsi les intersectionnels vont parler d’identités fragmentés et s’appuyer sur celle-ci pour avoir leur "sujet de classe"

Le point commun des citoyennistes est au contraire de s’appuyer sur un "citoyen" abstrait qui n’a pas d’ancrage de classe ni d’identité en tant qu’homme ou femme, blanc ou de couleur, et c’est en s’appuyant sur cet individu que des réformes passant par l’état et la République dont on réécrirait la constitution peuvent être alors être proposées...

Mélenchon incarne aussi très fortement cette tendance, tout comme Podemos qui a théorisé l’arrêt de la référence au prolétariat et à la classe ouvrière.
En termes idéologiques les penseurs les plus éminents de ce courant sont Mouffe et Laclau qui ont inspiré le livre Construire le Peuple. Leur bible est Hégémonie et stratégie socialiste.

L’idée est de «  Radicaliser la démocratie » : C’est le refus de se dire de gauche ou droite . Le référentiel passe à l’opposition entre le peuple et la « caste » ou alors les 99% contre les 1%. Lé référence n’est pas tant les luttes et les mouvements sociaux que le passage par les urnes pour construire une nation régénérée et progressiste. La Revue du Crieur Numéro deux appelle ça l’option national-populaire. Du coup c’est aussi une réaffirmation de la souveraineté de l’état face à l’union européenne, ce qui nous ramène à la nation.

Le deuxième point commun de ces penseurs est qu’ils sont très régulièrement mis en avant par des gens de très bonne foi au sein de Nuit debout qui se réclament d’un courant "citoyenniste". A Montpellier l’AG loi travail et Nuit debout ont fusionné et nous trouvons important d’avoir un discours là-dessus d’autant plus que les citoyennistes sont souvent ceux qui ne vont pas aux manifs et appellent à un "processus constituant".

Les penseurs citoyennistes les plus fréquentables comme Friot, Ruffin, et Lordon reconnaissent l’existence des classes sociales, ils ne sont pas totalement fous... Par contre ils ne considèrent pas que c’est en tant qu’exploités, prolétaires, précaires travailleurs et travailleuses que nous devons agir... La classe n’est pas un outil politique pour eux... A cela ils opposent le "citoyen" abstrait qui en tant que membre de la communauté de la démocratie doit agir en tant que peuple, déconnecté des classes sociales...

A partir du moment où ils se posent dans ce cadre, et non un cadre concret de classe, il me semble que la seule perspective d’action politique se fait par un néo-réformisme bon teint, ce qui explique que Lordon malgré une radicalisation apparente ne propose que de réécrire une constitution comme débouché politique du mouvement...

Par exemple, parmi les dernières analyses de Lordon, il y a des choses intéressantes, proches des révolutionnaires, par exemple le fait de ne pas poser de revendication… Mais pour autant l’horizon indépassable de ces penseurs est de réécrire la constitution par un « processus constituant ».

La classe n’est pas un outil politique pour eux [Friot, Ruffin, et Lordon]... A cela ils opposent le "citoyen" abstrait...

C’est pour cela que selon le bon mot d’un camarade « Frédéric Lordon, c’est comme les manif parisiennes, ça part à République et ça finit à Nation ».
Plus globalement c’est ce que nous reprochons au courant citoyenniste : l’incapacité de sortir du cadre formel républicain : les réformes s’inscrivent dans le cadre de la démocratie et l’action vient de « citoyens ». Au contraire nous ne pensons pas que l’action dans le cadre du système est possible : en un mot comme en cent : nous voulons casser le système puis reconstruire une autre société. Nous en reparlerons si vous le voulez bien.

Pourquoi parler de ces auteurs

Par contre dans les interventions nous avons prévu de faire un point différent par penseur : Lordon et Ruffin se positionnent clairement pour une grève générale politique qui aboutirait à une réécriture de la constitution et à une nouvelle république.

Cela explique aussi que Ruffin, en 2012 appelle à voter Hollande sous prétexte que son élection ouvrirait une phase progressiste qui favoriserait les luttes sociales...

Ils sont pointés par les médias comme les mentors de Nuit Debout. Ce n’est pas vrai parce que c’est les médias qui cherchent toujours à construire de leaders là où il n’y en a pas.

Alors que Friot a seulement un projet économique : le salaire socialisé mais aucune réflexion sur comment y arriver...

Globalement, on considère Lordon, Ruffin, Friot comme des personnes avec qui on est dans le même mouvement mais avec qui on n’est pas d’accord, et on souhaite poser ce désaccord, mais on leur adresse des arguments.
Enfin Chouard est particulier, il adapte le discours de la démocratie directe et de l’autogestion à un cadre citoyenniste, et ce n’est qu’en grattant bien qu’on se rend compte qu’il est proche de l’extrême droite. A ND, il y beaucoup de gens qui se réclament de lui sans comprendre que c’est un confusionniste, ce qui crée des discussions parfois pénibles.

On ne le met pas sur le même plan mais son discours s’inscrit dans la vulgate citoyenniste, tout en étant clairement crypto d’extrême droite.

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