Le survivalisme

Pour le connaisseur en politique, pour le lecteur assidu de la très rare presse libre, le « survivalisme » fait depuis longtemps partie intégrante de la fachosphère – au moins au niveau des dirigeants de cette idéologie-business –et il en est peut-être la composante la plus armée. Mais tout le monde ne le sait pas, qui un jour ou l’autre cherchera à se fournir d’un masque à gaz, d’un système de purification d’eau potable ou toute autre chose potentiellement utile et se retrouvera à visiter innocemment le site de Piero San Giorgio, ou d’autres du même tonneau, sans penser à mal.

Le « survivalisme » est devenu un énorme business qui a vu en mars dernier s’ouvrir son premier Salon en France, avec la présence bien sûr du facho ci-dessus cité, que les médias invitent à qui mieux mieux. Gros business mais aussi panier de crabes, comme nous verrons. Les sites web survivalistes sont plus orientés défense et survie chez soi que « seul face à la nature ».
Néanmoins le survivalisme est multiforme. Il n’y a - heureusement ! - pas que des fachos sous ce vocable. Si l’on y trouve des sectaires, des racialistes, des extrémistes, on y trouve aussi des hyper-individualistes. Pour se démarquer des ci-dessus cités, des néo-survivalistes, ces dernières années et surtout aux Etats-Unis, se sont fait connaitre sous le nom de « preppers ».Phonétiquement, c’est « prepare », en anglais " se préparer".
Des réseaux « preppers » existent en Amérique du Nord. Gérard Celente, propagandiste de ce « néo-survivalisme » définit le mouvement en ces termes : « Avant, la seule chose qu’on voyait du survivalisme : la caricature, le gars avec son AK 47 avec assez de munitions pour traverser la tempête. Le Néosurvivalisme est très différent de ça. On observe des citoyens ordinaires, prenant des initiatives ingénieuses, se diriger dans un sens intelligent afin de se prépare au pire. » Ca semble déjà mieux que le courant « historique » racialiste et droitiste des origines.

Le survivalisme en France

En France, le survivalisme est toujours, pour l’essentiel, aux mains des fachos.
Le facho modèle standard (disons genre F.N. en France) s’appuie sur une rhétorique centrée sur le thème : « c’est nous ou le chaos ». Il entend rétablir l’ordre (et la prospérité !) avant qu’il ne soit trop tard. Le facho modèle survivaliste n’entend pas empêcher le chaos d’advenir. Il le considère comme inévitable. Il l’attend plutôt avec impatience, voire gourmandise inassouvie. C’est son Graal. Ce serait aussi le moyen de rentabiliser enfin, pour certains, les milliers ou dizaines ou centaines de milliers d’euros dépensés en armes, munitions, réserves de carburant, nourriture, et boissons, médocs, vaccins, combinaisons de protection nucléaire, chimique, bactériologique, gilets pare-balles, pièges, appareillages divers, abris etc.… Et surtout, surtout, ça lui permettrait le grand défoulement : faire la guerre autrement que sur écran vidéo ou dans des camps d’entraînement de week-end entre nazillons.

Le discours du facho survivaliste n’est donc pas « on vous évite le chaos en remettant de l’ordre », mais « vivement le chaos et le désordre, nous en émergerons vainqueurs et imposerons ensuite l’ordre que nous voudrons. »
Se préparer au chaos
Il n’y aurait pas de survivalistes sans l’idée du désastre planétaire inévitable ou au moins fortement possible à court terme, c’est-à-dire d’ici une génération ou deux, voire beaucoup plus tôt dans le cas d’un déclenchement du chaos par suite d’une méga-crise financière, possible dès demain.
De plus en plus de personnes voient bien qu’il est très possible que « tout s’effondre » dans un futur relativement proche. Le constat d’échec du système capitaliste, industriel, productiviste et « libéral » - les quatre termes sont absolument liés – ne peut plus être caché.
On voit monter partout l’inquiétude, la peur de l’avenir, la peur de l’autre (vu comme un concurrent), l’agressivité des individus et des peuples, l’autoritarisme gouvernemental, les risques de conflits militaires, de pandémies, de virus mutants, sans parler de l’éternel retour de l’irrationnel sur fond soi-disant « religieux » (des Brigandes à Daech). A part ça, tout va très bien, Madame la Marquise…
Le constat de l’échec et de la responsabilité du système politico-économique capitaliste dans le désastre en cours est chose acquise dans les milieux révolutionnaires, écologistes radicaux, décroissants. Mais un penseur d’extrême droite, Michel Drac, peut lui aussi écrire : « Le désastre soudain réintègre le champ des possibles. Même la catastrophe globale devient pensable. » (in Michel Drac, « Le concept de Base autonome durable », Rébellion, n° 49, juillet – août 2011)

Des scientifiques de plus en plus nombreux pensent de même. Et jusqu’aux « grosses têtes » de plusieurs armées occidentales à qui l’on a demandé de pondre des rapports sur les conflits possibles à dix, vingt ou trente ans. Les études rendues par ces futurologues en uniforme montrent que ce ne sont ni les gesticulations de Poutine, ni celles de Kim Jong-un qui les inquiètent, non plus que le nucléaire iranien ou Daech, mais bien plutôt les conséquences d’un système qu’ils pointent donc implicitement comme responsable. La croissance continue de la production et de la natalité mène à l’épuisement des ressources sur une planète limitée par le vide spatial, et certains pays, devenus proprement inhabitables, verront d’énormes exodes de population, d’autres des arrivées massives de réfugiés. La raréfaction des métaux, du pétrole, du sol arable, de l’eau potable ou d’irrigation, entraînera des conflits pour leur possession. Voilà ce que disent en substance les rapports de ces messieurs chargés d’évaluer l’avenir d’un œil militaire : la croissance infinie mène au conflit généralisé ainsi qu’à des famines et des épidémies.
Du très dur à gérer. Car ces conflits du futur proche pourraient bien avoir des formes non-conventionnelles : non plus armée régulière contre armée régulière, mais une décomposition des Etats fragiles incapables de faire face à des soulèvements ou des afflux de réfugiés, suivie d’un fractionnement des territoires, avec la constitution de clans guerriers, de milices en tous genres, jusqu’à des situations du type « seigneurs de la guerre », comme on le voit déjà au Moyen-Orient, en Afghanistan, ou en Lybie, où l’on a par la même occasion rétabli l’esclavage (avec vente aux enchères publiques des réfugiés).

Les survivalistes intéressent les militaires, au moins certains d’entre eux, qui fréquentent de près le milieu, à titre personnel ou parfois même très officiellement. Une école d’officiers de l’armée suisse a participé au lancement du livre de P. San Giorgio « Survivre à l’effondrement économique » (Éditions Le retour aux sources, 2011) en achetant plusieurs centaines d’exemplaires. Au total, P. San Giorgio a écoulé plusieurs milliers d’exemplaires de cet ouvrage, qui prône l’élimination d’une partie de la population, non destinée à survivre. Piero San Giorgio a été invité plusieurs fois par des officiers suisses, en 2013 et 2014, pour donner des conférences, et notamment par Philippe Rebord, devenu chef de l’armée helvétique en 2016.

Dans un entretient avec le youtubeur d’extrême droite Daniel Conversano, Piero San Giorgio soutient que « la véritable nature des Européens c’est d’être un Waffen SS, un lansquenet, un conquistador… », ajoutant qu’ « on fait en sorte que des gens qui n’auraient pas dû exister, existent… on sauve des malades, des handicapés… c’est très bien, ça donne bonne conscience, mais c’est pas comme ça qu’on construit une civilisation, c’est comme ça qu’on la détruit. » Charmant, non ?
Aux U.S.A., les liens entre militaires et survivalistes sont anciens, les deux se côtoyant dans la célèbre N.R.A. (National Riffle Association) qui défend la vente libre des armes automatiques à répétition, et le fameux amendement de la Constitution qui garantit à la fois le droit imprescriptible à posséder et porter des armes et le droit de constituer dans certaines circonstances des milices, les deux droits étant liés. Les militaires, dont certains ont déjà la culture de la survie, voient sans doute dans ce milieu dont les idées nationalistes à souhait et l’agressivité sont pour eux des qualités, et qui plus est constitué d’individus déjà un peu entraînés, de très possibles supplétifs, des troupes auxiliaires à qui l’on pourrait confier éventuellement les plus sales besognes.

Sauver le monde ou prendre le pouvoir ?
les B.A.D.

Le but du survivaliste traditionnel n’est donc clairement pas de sauver le maximum de personnes d’une catastrophe soudaine, loin de là. Pour cela, comptons plutôt sur ce qui resterait des institutions utiles : hôpitaux, SAMU, Pompiers, Croix-Rouge, associations, professionnels de santé, et, surtout, sur les élans de solidarité des volontaires anonymes, ainsi que sur la réquisition « d’utilité publique » des moyens de transport, des stocks disponibles de nourriture, d’eau, et de tout produit de première nécessité quelqu’en soient les propriétaires – distribution organisée et égalitaire, sinon pillage légitime, faute de mieux quand les autorités démontrent leur incapacité à organiser la survie collective, comme ce fut le cas à la Nouvelle-Orléans submergée.
En cas de chaos, la survie à un contre 10, contre 100, n’est possible que dans les fictions cinématographiques.
Les survivalistes ont donc reçu la lumière qu’avait déjà reçue nos ancêtres anthropoïdes, primates et rongeurs de la lignée : on survit plus facilement en groupe. D’où l’idée des « Bases Autonomes Durables » (B.A.D.), idée venue une fois de plus des U.S.A., l’association sur un même territoire de plusieurs familles équipées et armées, territoire destiné à devenir leur territoire, même s’il compte d’autres habitants. La loi, ce sera eux. Le discours et les pratiques des « B.A.D. » posent qu’il est nécessaire de faire dès maintenant sécession de la société afin d’être prêts le jour venu à survivre dans une communauté homogène et bien au point pendant et après l’effondrement de l’ordre socio-économique. Autour de ces B.A.D., d’abord en Amérique du Nord puis en Europe, s’est greffé tout un commerce, notamment d’armes, pour ce qui est de l’aspect « pratique », mais aussi toute une littérature pour ce qui est de la théorie. En France, le premier ouvrage qui parle des B.A.D. est G5G Déclaration de guerre (la guerre de cinquième génération), S. Ayoub, M. Drac et M. Thibaud, ed. Le retour aux sources, 2010. C’est l’œuvre de trois fachos notoires, dont Michel Drac déjà cité et le trop connu Serge Ayoub, alias « Batskin » , un skinhead qui se fait vieux. L’idée des B.A.D. est reprise en 2011 par Piero San Giorgio dans « Survivre à l’effondrement économique ». Dans l’ouvrage Triangulation : Repères pour des temps incertains, ed. Le retour aux sources, 15 octobre 2015, Michel Drac quant à lui suggère à la dissidence française de s’organiser en « contre-société fractionnaire », pour prospérer « à l’intérieur de la société ordinaire comme un cancer », avant de « prendre le contrôle de cette « société ordinaire » par une stratégie méthodique d’infiltration. ». Au moins c’est franchement dit.
Le futur européen envisagé par les tenants des B.A.D., c’est la guerre civile à la Mad Max : des bandes armées sans foi ni loi, razziant ou régissant des territoires abandonnés par l’Etat, sa police et son armée. Voilà un scénario qui a de quoi attirer les zombies accros aux jeux vidéos hyper violents et aux films de même catégorie produits par les classes dirigeantes, lesquelles préfèrent évidemment gaver la jeunesse de scénarios « chacun pour sa peau » qui vont dans le sens des intérêts du capital, que d’histoires de révolutions pour la justice sociale…

En France les B.A.D. sont devenues visibles depuis six ou sept ans. Le fameux Piero San Giorgio a fait visiter la sienne aux reporters de France 2 ( émission « C’est au programme » de janvier 2016, voir https://www.greffiernoir.com/sophie-davant-france-2-base-autonome-durable-piero-san-giorgio-michel-drac-droite-nationale-radicale-sur). Mais la chaîne M6, qui a récemment bien montré les Brigandes et Joël Labruyère, leur gourou, dans toute leur horreur, ne faisait en 2012 pas la fine bouche pour faire la promo d’une autre B.A.D., celle d’un certain Claude Hermant, identitaire en vue qui dirigea « La maison flamande » dans la région de Lille, structure où il côtoya Serge Ayoub.(voir :https://www.greffiernoir.com/attentats-charlie-hebdo-amedy-coulibaly-claude-hermant-base-autonome-durable-bad-stay-behind-extreme-droite) En 2012, Claude Hermant, au milieu de ses stocks de nourriture et de carburant, montrait fièrement son arsenal aux journalistes. Ce gars ne manquait pas de gros calibres : il en vendait jusqu’à récemment, qu’il achetait à l’Est et revendait à divers malfrats. Son entreprise s’appelait Seth Outdoor. Hermant est un ancien mercenaire français en Afrique, ex-membre du service d’ordre du F.N. Sa petite affaire aurait pu continuer de tourner rond si certaines des armes remilitarisées par ses soins ne s’était retrouvées dans l’arsenal du djihadiste Amedy Coulibaly, assassin en janvier 2015 de cinq personnes, une policière à Montrouge, puis un employé et trois clients du magasin Hypercasher de la Porte de Vincennes.
D’où procès. C’était du 11 au 17 septembre 2017, au tribunal de Lille. Là, pour sa défense, Hermant révèle avoir agi pour le compte de la gendarmerie, et ce depuis mars 2013. La gendarmerie ne dément pas. Un gendarme reconnait qu’Hermant est une source policière « fiable » - autrement dit, un indic rémunéré – certes « ingérable » mais bien protégé puisqu’il pouvait continuer son trafic tranquillement alors même que la P.J., elle, le surveillait depuis début 2014 suite à des dénonciations. Le juge notera que la question demeure de savoir la nature exacte des liens entre Hermant et la gendarmerie. Est-il un délinquant qui désobéit à la hiérarchie militaire qui l’emploie, ou bien un agent « fiable », « un ancien soldat », qui n’a fait que ce qu’on voulait qu’il fît et qui rendait des comptes ? On ne saura pas. La gendarmerie, c’est l’armée. Les documents qui auraient permis de savoir ont été « frappés du sceau du secret de la Défense Nationale » au nez du juge Trevidic, sur décision de Bernard Cazeneuve, qui a suivi lui-même l’avis défavorable de déclassification d’une commission ad ‘hoc. Sans couverture documentée, le facho-trafiquant-survivaliste-indic a pris sept ans pour trafic d’armes.
Dans cette histoire au moins, les contacts étroits entre l’extrême droite (et même l’extrême-extrême), les survivalistes et des services sécuritaires de l’armée sont chose avérée. Tout cela rappelle d’autres structures clandestines du temps de la guerre froide, où l’on vit se constituer, sous parrainage états-uniens, des réseaux « Stay-behind » (« Restez derrière ») tel le Gladio (« le Glaive ») en Italie, constitués de militants d’extrême droite, de militaires et de policiers qui se préparaient à agir violemment en cas d’invasion de l’Ouest par les armées du pacte de Varsovie. L’invasion n’ayant pas eu lieu, ces réseaux s’occupèrent à des opérations d’infiltration, des intimidations, et de nombreux meurtres (Belgique, Italie) dans l’optique d’empêcher l’arrivée au pouvoir des « rouges ». A son époque service d’ordre du F.N., Hermant affirmait avoir été « formé à l’infiltration et à la manipulation des foules par des anciens fonctionnaires des renseignements »(voir http://www.liberation.fr/societe/2015/05/12/trafiquant-ou-infiltre-claude-hermant-le-trouble-de-l-identitaire_1308251 et http://www.la-philosophie.fr/claude-hermant.html)

Le Clan Brigandes est-il une B.A.D. ?

Nous avons vu que le programme des B.A.D. est de prospérer à l’intérieur de la société ordinaire pour en prendre le contrôle. Le clan salvetois communément nommé « Brigandes » est-il une B.A.D ? Il ne s’est jamais défini comme tel. Mais… il a le soutien de plusieurs personnalités ou groupes survivalistes tels que les « patriotes survivalistes », de San Giorgio lui-même, de Richard Roudier (Ligue du Midi). Ligue du Midi elle-même soutenue par les Brigandes.
( https://lepressoir-info.org/spip.php?article1085 ).

On peut lire sous la plume de G. Feltin-Tracol,
http://www.europemaxima.com/des-memoires-d%E2%80%99avenir-enracines-et-combattants-par-georges-feltin-tracol/, une présentation des Mémoires de Richard Roudier Le Glaive et la Charrue. Itinéraire identitaire, Éditions Identitor : « Richard Roudier évoque aussi la propriété qu’il a acquise en 1989 « dans les premiers contreforts des Cévennes » (p. 71) , laquelle constitue une véritable B.A.D. (base autonome durable). Il n’est d’ailleurs pas anodin qu’un de ses fils, Olivier, soit « devenu un théoricien passionnant de la décroissance et de la nécessaire reconquête des terres par les néo-ruraux » (p. 72). Agir méta-politiquement auprès des populations périurbaines ne serait-elle pas une réponse adaptée aux enjeux actuels ? Cela suppose au préalable l’élaboration d’une plate-forme programmatique. En effet, « outre qu’il participe de la dynamique initiale d’un groupe, l’esprit de plate-forme élargit le recrutement. En se fixant naturellement en priorité sur des accords déjà majoritairement acquis, il élargit la base de recrutement tout en augmentant la discipline intérieure par l’existence d’un embryon de doctrine écrite faisant loi. » (p. 125) Le Réseau Identités coopère ainsi avec la mouvance solidariste de Serge Ayoub et les royalistes non-conformistes, « militaro-décroissants » et « hyper-français » du Lys noir. »
On retrouve une fois de plus Le Lys Noir de Rodolphe Crevelle dont nous avons plusieurs fois parlé ( voir https://lepressoir-info.org/spip.php?article996 et https://lepressoir-info.org/spip.php?article1068 ). Ce dernier a on s’en souvient pris contact en juillet 2017 avec le Clan Brigandes. Dans son opuscule programmatique traitant de la création d’une « Garde Rurale » on peut lire au sujet du survivalisme : « Tout moyen d’anticipation de la catastrophe nous étant interdit, il faut donc attendre la catastrophe pour agir enfin et préparer les conditions de la survie et de la renaissance. En revanche, dans le cadre strict d’une organisation « survivaliste », un petit état-major volatile peut déjà se constituer /…/ à peine une quinzaine de dirigeants /.../ pour commander la Garde /…/ les unités de survie de la Garde Rurale devront être en relation constante avec les diverses associations survivalistes… »

Mais revenons aux Roudier (voir https://lepressoir-info.org/spip.php?article943 ), qui se définissent, eux, comme survivalistes. Comment voient-ils le Clan Brigandes ? Richard Roudier écrivait dans un droit de réponse à La Dépêche du Midi à propos d’un article sur le Clan : « 2018 sera l’année de la grande décantation des forces en présences, 2018 doit être l’année de regroupement de nos forces. Tout notre soutien aux Brigandes. De tout temps nous avions théorisé, dans nos milieux, que lorsque les choses deviendraient insupportables, une des solutions pourrait être de constituer des micro-sociétés de proximité hors système et de le faire par cooptation directe. Ce temps est venu. Les Brigandes explorent cette voie avec persévérance et succès. Nous les encourageons et leur renouvelons notre soutien dans l’épreuve qui les touchent. /…/ Que ce groupe puisse proposer une solution alternative /…/ est insupportable à l’establishment, /…/ (ainsi ) qu’aux totalitaires antifas. Que cette expérience face école et que des communautés identitaires homogènes se créent avec succès hors système leur serait insupportable. »
Richard Roudier ne définit donc pas le Clan comme une BAD, mais il en relève les traits communs : « Constituer des micro-sociétés de proximité hors système » « lorsque les choses deviendraient insupportables », des « communautés identitaires homogènes ».

Et le Clan, comment se définit-il lui-même ?

Dans son « Manifeste des clans du futur » que le Clan a publié en 2018 tel que présenté dans une de ses vidéos, on trouve par exemple : « Nous ne changerons pas l’ordre mondial, mais nous pouvons nous organiser pour vivre en marge et reconstituer une société nouvelle. /…/ C’est grâce à notre mode de vie communautaire que nous avons pu déployer l’énergie nécessaire pour constituer un organe de combat médiatique tel que « Les Brigandes » /…/Le Manifeste des clans est un appel au regroupement stratégique des forces car l’avenir de notre civilisation en dépend. »

Aux Assises de l’enracinement, à Palavas, le 29 octobre 2017, rencontres sous l’égide de la Ligue du Midi, le Clan est défini par Antoine Duvivier comme (c’est le titre de son intervention) « une nouvelle forme d’organisation sociale » : le terme désigne « un regroupement de familles sur une même zone géographique sur la base de valeurs communes, de perspectives communes, et régi par une organisation et des règles communes./…/ Pour nous, la civilisation moderne dans laquelle nous vivons est absolument opposée à l’ordre naturel et à l’esprit humain, …/ dans ses fondements même /…/ depuis l’époque révolutionnaire. / …/ Donc, puisque nous ne nous reconnaissons pas dans cette civilisation, /…/ nous considérons qu’il faut recréer un ordre social parallèle à l’ordre établi. /…/ Il n’y a rien à attendre de cette civilisation en place, /…/ tout ce que nous attendons c’est son effondrement, aussi violent soit-il, pour commencer, si nous le pouvons, sur des bases un peu plus saines. /…/ Il faut reformer un ordre social sur des valeurs qui nous soient propres. Quand on parle de « clan », c’est à cela que nous faisons référence. » Dans ce regroupement en « clan » peut se manifester un mode de vie, une culture, une éducation quotidiens. /…/ Puisque nous considérons que la civilisation en place va à l’encontre de l’ordre naturel, de l’esprit humain, de la recherche de la Vertu, qui a été au cœur de notre civilisation indo-européenne pendant des milliers d’années, nous considérons qu’il faut reformer un cadre social propice au respect de la nature, au respect de l’esprit humain, et à la recherche de la Vertu. » /…/ Nous sommes dans une dynamique non pas prosélyte, mais « de montrer un exemple, un modèle de perspective militante pour le XXIème siècle, pour que d’autres puissent s’organiser de la sorte, reformer des micro-sociétés sur leurs propres valeurs, en parallèle à l’ordre établi /…/ Nous sommes conscients qu’il faut des organisations militantes, des mouvements à l’échelle nationale, des organes de communication, des mouvements comme la Ligue du Midi, des gens qui font des revues, mais il faut aussi des pionniers qui s’attellent à construire concrètement des alternatives sociales. » Il parle aussi de la constitution en clan comme « un nouveau mode de militantisme ».( http://le-clan-des-brigandes.fr/category/1-le-clan/)
Une communauté militante donc, mais qui attend impatiemment « l’effondrement » de la « civilisation en place », « aussi violent soit-il », « pour commencer sur des bases plus saines »…

Joël Labruyère, gourou du Clan Brigandes, a sentencieusement déclaré dans l’émission « 66 minutes » de M6 le 18 mars dernier : « Il y aura des élus et les autres ne survivront pas. »
Dans un écrit du même mystico-délirant, « Bâtir la cité nouvelle de l’ère du Verseau », on trouve :
« /…/ En quoi consistera la mission des pionniers qui ont conscience des possibilités /…/ offertes par les nouveaux rayonnements cosmiques ? /…/ Ils se regrouperont par affinité, au sein de petites unités communautaires, qui formeront des lentilles où une nouvelle énergie pourra s’emmagasiner et s’enflammer pour de multiples usages. L’énergie libre /…/ne peut trouver d’application avant d’être captée par une communauté où l’individualisme et l’égocentrisme sont absents. /…/ Les humains qui entreront dans le nouveau courant seront libérés de leurs chaînes, mais les autres vont devoir descendre de niveau. Il y aura une rupture entre les deux groupes humains /…/ les hommes libres d’une part, et les esclaves de la Bête qui ont renoncé à la liberté par désir de sécurité matérielle. (Cette partie de l’humanité) deviendra toujours plus « mauvaise », au sens spirituel, et elle persécutera le groupe des « bons ». Mais ceux-ci ne seront pas démunis, car ils développeront une technologie spirituelle qui les protégera des agressions/…/Le noble combat des temps à venir sera de fonder des foyers de civilisation en dehors de l’ordre mondial. Ces cités serviront de lieux d’accueil pour les âmes qui reviennent en incarnation /…/ Ce programme est de fait élitiste. Nous orientons une formule vibratoire par voie télépathique vers les chercheurs autonomes qui s’interrogent sérieusement sur l’état du monde, et sur les moyens de riposter aux attaques des puissances d’asservissement./…/ »

Les survivalistes, des identitaires armés

Autrement dit quelque chose qui rappelle un peu le chaos annoncé au futur proche par les survivalistes identitaires armés.
Quand nous avons commencé à cogiter sur le survivalisme, collectivement et individuellement, en avril dernier, il était déjà clair pour nous que les têtes connues de ce mouvement étaient aussi les têtes pensantes de la mouvance identitaire française la plus violente. Nous nous disions qu’au-delà des éructations des Brigandes, des opérations de refoulement tentées par les identitaires en Méditerranée et dans les Alpes Maritimes, le milieu facho-survivaliste pouvait nous réserver des surprises bien pires encore.
C’était effectivement le cas. En juin, un groupe d’identitaires a été arreté, qui se préparait à semer la désolation et le chaos à grande échelle. On apprit d’abord que la bande , définie par la police et les médias comme d’ « ultra droite » et autodénommée « Action des Forces Opérationnelles » ( une vingtaine de personnes) comprenait un policier en retraite et un ancien militaire. Il fut saisi 36 armes à feu, des milliers de munitions et tous les composants du TATP, l’explosif surpuissant préféré des terroristes du XXI siècle. On apprit ensuite qu’ils se préparaient à user de leur arsenal contre des imans radicaux, contre des détenus islamistes à leur sortie de prison et contre des femmes voilées prises au hasard.
L’enquête démontra un peu plus tard que certains au moins projetaient des attentas de masse : l’empoisonnement d’un supermarché halal.
On apprit enfin qu’ils étaient adeptes du survivalisme.
Ceux là n’attendaient pas la guerre civile : ils voulaient clairement la provoquer ; et ce pouvait être à craindre si leur projets s’étaient réalisés.
Djiadistes ou croisés cinglés, ils ont compris qu’ils ne radicaliseraient jamais sans violence la majorité des sociétés qu’ils prétendent défendre. Il est bien plus facile de radicaliser « l’ennemi » à coup d’attentats afin de provoquer l’escalade et la généralisation du chaos par des ripostes de plus en plus meurtrières ;
Faut-il rappeler qu’aucun attentat aveugle de masse n’excusera jamais un autre attentat aveugle de masse perpétré en réponse.
Le Clan salvetois, même s’il n’a pour l’heure exercé sa violence anti-immigrés, anti-juifs, anti-musulmans et anti-gauche qu’en paroles (et musiques) et en menaces à mains nues, a ses responsabilités dans la constitution de ce genre de projet meurtrier, passé ou à venir. Leurs chansons encensent la guerre et les guerriers et appellent à l’épuration ethnique. Ils attendent et espèrent le choc des civilisations. Ils prêchent la pureté identitaire. A défaut de se définir clairement comme survivalistes, ils fréquentent de près et depuis longtemps d’autres identitaires qui sont des survivalistes déclarés. Ils croient au grand chaos, et seront des « élus » qui survivront. Même s’il y a des différences vis-à-vis du survivalisme à la San Giorgio, ou avec le programme du Lys Noir de Rodolphe Crevelle l’idéologie et le but sont les même : une France ethniquement pure et culturellement homogène, chose qui n’a jamais existé.
Richard Roudier claironne que « 2018 doit être l’année du regroupement de nos forces ».

Alors, au final, « survivalistes » ou pas, Les Brigandes ?

Cela dépend du sens que l’on donne à ce qualificatif. Si l’on entend par là : intégration au réseau commercial dispensateur d’armes et de stages paramilitaires : aucune preuve. Si l’on entend par là maison sécurisée, kit de survie, stock de vivres, recherche d’autonomie vivrière : c’est probable. Sur le plan spirituel et idéologique, aucun doute.
Le choix de La Salvetat pour s’implanter est-il un hasard ? Sûrement pas quand on sait que l’étymologie des « Salvetat » et autres « Salvet », est liée le plus souvent à la peste qui n’y parvenait pas.
En attendant, avant de contrôler, il faut « prospérer », comme dit le manuel de référence des survivalistes en B.A.D. Trouver des sponsors est plus payant et moins fatiguant que de cultiver la terre. Mais la moindre des choses est que les mécènes soient indemnes de toute connivence possible avec l’ennemi. Par exemple, une B.A.D. qui n’aime particulièrement pas, allez au hasard : les juifs, les musulmans, ni les zadistes végétariens, par exemple. Un industriel de la cochonnaille offrirait de bonnes garanties, et l’accès à d’énormes stocks, que les nouveaux maîtres du pays distribueraient parcimonieusement aux obéissants. Un producteur d’eau minérale par exemple serait plus suspect, qui peut avoir pour clients juifs, musulmans ou végans.
Pour l’aider à survivre, le clan des Brigandes a déjà un médecin et maire. Le clan prétend être en bons termes avec la gendarmerie. Il se dit que certains gendarmes de La Salvetat rechignent à enregistrer les plaintes contre les membres du Clan pour des agressions bien réelles.
Survivalistes discrets ? Survivalistes cachés ? En tout cas ils ne sont pas contre l’idée et ses propagandistes locaux. Ils sont plutôt « tout contre » comme disait Sacha Guitry en parlant des femmes.
Il était acquis que le clan Brigandes-Labruyère est dangereux tant à l’échelle locale qu’au-delà. Dangereux parce que facho, ultra-facho même, faisant partie de ces identitaires amateurs de baston qui cherchent ces derniers temps à se doter de « vitrines » (bars, lieux « culturels », clubs privés, boutiques, locaux « associatifs »), vus par eux comme autant de bases de regroupement et de développement. Dans les grandes villes, la pression antifasciste sur les municipalités a pu empêcher l’ouverture de plusieurs lieux. (Lyon, Tulle, Angers, Guéret…)
Dangereux aussi, le Clan, parce que secte, avec tout ce que cela comporte habituellement : manipulation mentale, abus de faiblesse, malversations diverses, plaintes d’ex-adeptes dont certains ont rejoint le combat des associations anti-sectes. Secte apocalyptique qui plus est : L’un dans l’autre, cela devrait suffire à en faire les pestiférés du village. Mais « l’élu en chef », le Maire de La Salvatat sur Agoût, ne recule devant rien pour les protéger, jusqu‘à continuer à en dire du bien, « ils ne posent pas de problèmes », alors même que tous les médias (qu’il ne veut pas recevoir) ont consciencieusement démontré et étalé toute l’abjection de cette racaille chassée de l’Ariège qui cherche à envahir – au moins politiquement dans un premier temps – un territoire jusqu’alors plutôt paisible et vivable. Il se dit même que Monsieur Estadieu, qui est aussi médecin, menace de quitter le village si on l’emmerde trop avec les Brigandes. Chantage aux malades ? Ceci étant dit, les Brigandes et Brigands sont également dangereux compte tenu d’un troisième aspect de leur idéologie : ils sont proches des « survivalistes ». Ce qui est somme toute logique lorsqu’on entend faire partie des « élus »…
Le Clan est encore dangereux, comme le sont tous les groupes identitaires, pour une quatrième raison : par comparaison le Front National – pardon le Rassemblement National – risque d’apparaître encore plus comme un parti convenable, supportable, respectable, qu’il n’est pas.
La Marine a quelque peu fait le ménage dans le parti en dégageant les identitaires outranciers les plus voyants. Il n’empêche que d’avoir pire que soi à sa droite quand on est déjà l’extrême droite, c’est utile en terme d’image.
Le RN se démarquera des outrances, condamnera toute bavure sanglante que sa conception de la légitime défense à géométrie variable ne pourra couvrir, mais au jour de la grande crise, ou si jamais la Le Pen était élue, nul doute que le regroupement des « ultra » et « extrême droite » se reconstituerait.

Ami-e-s antifas, pour nous aussi 2018 doit être une année de regroupement des forces, face aux identitaires, survivalistes ou pas, ferments de guerre civile.

Los Catfèrs
juillet 2018

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