La récente affaire « Hugues Aufray » [1] , qui a révélé la proximité amicale et militante de Rodolphe Crevelle, militant d’extrême droite et Pierre Blondeau militant de gauche nous a amenés à revisiter l’affaire dite « du corbeau » à la lumière de cette révélation.
La question que nous nous sommes posés est la suivante : quel rôle a eu Rodolphe Crevelle dans cette affaire dite « du corbeau » qui, dans l’Hérault, mit en branle pendant plusieurs mois l’anti-terrorisme et valut à plusieurs personnes perquisitions et gardes à vue ?
Et quelles furent les conséquences sur la contestation dans les Hauts Cantons de l’Hérault ?
Rappel de l’affaire du Corbeau :
En mai 2007 une lettre de menace accompagnée d’une balle est envoyée à Marcel Roque, maire de droite de Lamalou les bains, une station thermale au nord ouest de Béziers.
Deux ans plus tard, le 3 février 2009 le quotidien régional Midi Libre et les médias nationaux révèlent l’envoi d’une lettre de menaces, anonyme, elle aussi accompagnée d’une balle, au député maire de Béziers Raymond Couderc.
Le 26 février c’est Nicolas Sarkozy qui est destinataire d’une nouvelle lettre, elle aussi accompagnée d’une balle.
Puis se succèdera jusqu’au 18 septembre une trentaine de lettres à des personnalités variées, comme Rachida Dati, Christine Albanel, Alain Juppé, Nonce Paolini, Fréderic Mitterrand, Bernard Kouchner, Ségolène Royale... Toutes ces lettres, signées « Cellule 34 » et/ou « les 1000 combattants » ont été postées dans l’Hérault.
L’enquête qui démarre sur Montpellier s’oriente dès le début vers la piste d’un déséquilibré, plutôt d’extrême droite, même si certaines lettres utilisent une terminologie de gauche.
Un premier suspect, informaticien et militaire de réserve, est arrêté à Montpellier et mis en garde à vue début mars. Faute de preuve il est relâché rapidement.
Quelques semaines plus tard 13 personnes, toutes abonnées à des clubs de tir sportif, sont entendues comme témoins. Pas d’arrestation.
Au mois d’août, le 11, l’enquête se déplace vers Sète où est entendu un ancien représentant du FN, Georges Escafit, et plus à l’ouest du département, à St Pons de Thomières où des perquisitions ont lieu chez plusieurs militants de gauche et associatifs et notamment chez Pierre Blondeau et sa librairie La Cigale.
Ces perquisitions ne donnent pas de résultat.
Le 3 septembre, c’est le coup de filet spectaculaire et la mise en garde à vue à Montpellier, de 11 personnes de St Pons de Thomières, dont Pierre Blondeau, soupçonné d’être l’auteur des lettres et la perquisition, la prise d’empreintes, d’écriture et l’interrogation d’une dizaine d’autres.
Une forte mobilisation de la population et un battage médiatique, permettent la libération des 11 gardés à vue. Aucune charge n’est retenue contre eux.
Quelques jours plus tard, deux militants d’extrême droite, biterrois, dont Richard Roudier, dirigeant de la Ligue du Midi (extême droite), sont arrêtés puis libérés.
Le 10 septembre, c’est un ancien gendarme royaliste qui est entendu par l’anti-terrorisme. Sans résultat.
Le 23 septembre, Thierry Jérôme est arrêté à Hérépian, un village au nord ouest de Béziers. Il avoue être l’auteur des lettres, son ADN correspondrait à celui prélevé sur la première lettre.
L’affaire est donc résolue, du moins la police l’affirme, même si des zones d’ombre persistent. Et persistent encore.
La question qui se pose alors, et que se pose Pierre Blondeau lui même, juste après sa garde à vue, dans sa feuille d’info « La Commune » du 24 septembre 2009 (n°157) : « Comment du statut d’emmerdeurs locaux, nous étions passés à la position de terroristes nationaux ? » En effet cela interroge.
La réponse qu’il apporte alors dans ce même article est que : « le premier magistrat de la ville (c’est une de ses missions en tant qu’officier de police judiciaire) (Kléber Mesquida)]... [ a rédigé des dizaines et des dizaines de fiches de signalement sur les saint-ponais « mal pensants », ce qui peut expliquer le ciblage de la police, en ce fameux 3 septembre 2009 ». et que. « le pouvoir (Sarkozy) veut faire plier les gueux qui on fait ]...[ perdre beaucoup d’argent aux multinationales, lesquelles rêvaient de s’implanter dans les Hauts Cantons avec la complicité des élus]...[ Soit pour faire court, le Medef, soutien principal du gouvernement. Et tout ceci habillé sous forme de « traque au corbeau », opération qui vient à point nommé, médiatiquement, lorsque le chômage grimpe en flèche, les statistiques de la délinquance s’envolent et la pandémie de la grippe N1, tant attendue pour faire diversion, n’est pas (encore) au rendez-vous.
In fine, Mesquida n’est pas responsable des événements du 3 septembre – ce serait lui faire trop d’honneur – mais il pourrait en avoir été l’élément déclenchant. »
Pourquoi pas ? Mais l’explication un peu mégalomane surestime peut-être un peu l’importance de la réaction du « pouvoir » concernant les luttes locales. Certes ces luttes sont assez exemplaires et ont contrecarré beaucoup d’ambitions économiques et politiques, mais de là à motiver une opération policière de cette ampleur c’est peu plausible (150 hommes déplacés, 50 véhicules). De plus cela n’explique pas vraiment le ciblage de Pierre Blondeau qui dans ces luttes prit sa part, mais ni plus ni moins que beaucoup d’autres habitantes ou habitants de la vallée. Quant au fait que Kléber Mesquida aurait été « l’élément déclenchant » cela paraît un peu exagéré aussi.
Même si, au moment de l’affaire, Pierre Blondeau était déjà l’opposant politique principal et personnel du député maire et auteur de nombreux textes, signés bien sûr, sur la vie politique locale du saint-ponais et du biterrois. La rivalité entre les deux hommes était vive, mais ne peut expliquer raisonnablement ni la venue de l’antiterrorisme ni l’ampleur du déploiement de force.
Le rôle de Kléber Mesquida semble donc s’être limité, ce qui n’est déjà pas fameux, à fournir à la police déjà présente à St Pons la liste de ses opposants politiques, syndicaux et associatifs. Car oui, toutes les personnes perquisitionnées le 11 août et le 3 septembre se sont, à un moment ou à un autre, opposées à lui, pour des motifs variés d’ailleurs. Et parmi ceux là, il y a Pierre Blondeau et son entourage proche qui, lui, fut en plus mis en garde à vue.
On peut en déduire :
- que les gardes à vue du 3 septembre étaient liées à l’enquête du « corbeau » et exclusivement.
- et que la police faisant d’une pierre deux coups en a profité pour faire du renseignement sur les activités militantes du secteur et peut-être pour tenter d’intimider les opposants associatifs et syndicaux.
C’est sûrement cette double motivation policière qui brouille un peu les pistes pour comprendre la raison qui a amenée l’anti-terrorisme à St Pons de Thomières. Si l’on met de côté l’opération de renseignements contre les militants, et que l’on resserre la réflexion sur l’affaire du corbeau elle même, on comprend que le pivot de l’enquête sur St Pons c’est Pierre Blondeau et lui seul.
Alors pourquoi lui ?
Contrairement à la légende que cette affaire a fait naître, Pierre Blondeau n’est pas à l’époque, pas plus qu’aujourd’hui d’ailleurs, un leader « d’Ultra gauche » qui mettrait la république en danger. A l’époque, il ne le prétendait d’ailleurs pas. Il était un militant de « fraîche » date (19 ans et demi chez les parachutistes, de 1972 à 1991, en Centrafrique, puis au Tchad, et sept dans une société de sécurité (Wikipedia)). Il s’est réclamé d’abord de la gauche républicaine, a désiré entrer au Parti Socialiste, mais blackboulé, adhéra à ATTAC. Il adhéra également au Parti Communiste en 2005 et réactiva avec un adhérent local de longue date, du PC, la cellule de St Pons, dite Cellule Jacques Roux.
Au moment de la lutte contre le projet de méga décharge de SITA/Suez, dans le canton de St Pons, en 2003, il fait parti de l’association « Patanares » créée notamment par des syndicalistes paysans de la Confédération Paysanne. Cette association représente la fraction la plus légitimiste de la contestation contre ce projet industriel. L’autre fraction, le « Collectif de Citoyens » est créé lui par des syndicalistes libertaires de la CNT et des habitants non encartés, qui veulent, eux, mener une action plus directe. Cette double stratégie de la mobilisation, complémentaire, sera d’ailleurs très efficace, puisque le projet sera abandonné.
Quand en 2007 une partie de la population se mobilise contre un nouveau projet industriel, un parc éolien de plusieurs dizaines de machines, se crée l’association « Hurlevent » dont Pierre Blondeau fait partie comme plusieurs centaines d’autres habitants des cantons concernés, mais il n’est pas au conseil d’administration de l’association. Il n’intégrera ce conseil que 5 ans plus tard.
Donc rien d’un révolutionnaire dangereux pour le « pouvoir » central, mais un opposant politique, comme il en existe dans beaucoup de villages, certes particulièrement actif et prolifique en textes critiques des politiques locales et en lettres ouvertes contre la droite et le député maire socialiste de St Pons. Rien de plus.
De toute évidence pour comprendre ce passage « d’emmerdeur local , à emmerdeur national », comme Pierre Blondeau le déclare sur TF1 en 2009 , il manque un élément, un élément sérieux, qui aurait pu amener l’anti-terrorisme à investir pendant des mois les abords de St Pons et de la librairie La Cigale.
Le Facho et son journal
Pendant tous ces mois d’enquête, un journal très local (la région de Béziers) intitulé « la Semaine de l’Hérault » suit l’affaire. Son directeur de publication, qui est aussi son rédacteur principal, est un certain Rodolphe Crevelle. Ce journal très spécial, aux titres accrocheurs, apparu chez les marchands de presse du biterrois, en 2007, relate les faits divers, les « Clochemerle » et ses petites histoires sordides. Il fait aussi des portraits toujours très polémiques sur des personnalités ou notables locaux.
A l’époque, le lecteur ordinaire ne sait pas qui est ce Rodolphe Crevelle. Mais le lecteur un peu sensible sent bien dès la première lecture de ce journal que la xénophobie, le sexisme, l’homophobie, la médisance, ne sont jamais bien loin. Seule une recherche sur Internet aurait pu lui faire connaître son passé d’activiste d’extrême droite.
Le facho et le corbeau
Cette affaire du corbeau est pour ce petit journal une aubaine et Rodolphe Crevelle ne la laissera pas passer. Il mène l’enquête. Dès le 19 février (10 jours après la première lettre) il développe dans son journal, dans le n°70, une thèse sur l’origine et la raison de ces envois de lettres de menace. Thèse qu’il martèle et développe dans tous les articles qu’il publiera jusqu’à l’arrestation du corbeau « officiel », Thierry Jérôme.
Pour Rodolphe Crevelle, l’histoire est la suivante : le commanditaire de ces courriers serait le député UMP Elie Aboud et les exécutants deux militants du MIL (Mouvement Initiative et Liberté) ex SAC (Service d’Action Civique) le service d’ordre du RPR puis de l’UMP. La motivation du député aurait été de faire de la pub au maire de Béziers Raymond Couderc, premier destinataire de lettres en 2009, en le victimisant, pour le propulser aux régionales comme candidat de l’UMP en Languedoc-Roussillon, et prendre sa place à la Mairie de Béziers.
Afin de donner du poids à cet envoi, et de créer une proximité avec Nicolas Sarkozy une deuxième lettre aurait été envoyée à celui-ci. Les autres lettres auraient eu pour but d’éloigner la police de la piste d’Elie Aboud. Voilà la thèse développée à longueur de colonnes par Rodolphe Crevelle dans son journal. Il va même jusqu’à rédiger et publier une « Lettre ouverte à Nicolas Sarkozy » le 4 septembre, soit le lendemain de la mise en garde à vue de Pierre Blondeau et de 10 autres personnes sur St Pons, dans laquelle il développe sa thèse, et accuse la DNAT (Direction Nationale de l’Anti-Terrorisme) de faire n’importe quoi.
Extrait :
« Monsieur le président de la République, il est, dans l’histoire d’un journal libre, des moments cruciaux et très exceptionnels ]...[ qui lui impose ]...[ de vous écrire directement, ouvertement afin de vous prendre à témoin et avec vous tout le pays. C’est ainsi que même si nous avons publié ]...[ les photos et les noms du député commanditaire et des photos des deux militants UMP à l’origine de cet envoi de balle, nous observons avec une certaine ironie l’emballement médiatique qui 7 mois après les faits, cherche encore qui est le corbeau quand celui ci est en photo dans nos colonnes (n° 70).
]...[ Deux semaines plus tard dans notre n° 72 nous pouvions titrer, contrairement à une presse unanime à encenser la diligence de la police anti-terroriste, que l’arrestation tonitruante du suspect ]de Monpellier[ s’était, en réalité, opérée dans la plus grande précipitation puisque ]...[ n’avait rien à voir avec ]...[ le député Elie Aboud et ses deux hommes de main.
]...[ Au lieu de ]suivre la piste Aboud[ , c’est donc la DNAT ]...[ qui conduit encore seule l’affaire sur la « Cellule 34 » et décide des pistes à suivre ; une enquête qui s’acharne ainsi sur les marges ]...[. Récemment la DNAT ]...[ est allée ]...[ jusqu’à placer en garde à vue deux de nos principaux informateurs locaux : Pierre Blondeau, un responsable d’extrême gauche à St Pons et Georges Escafit, un ancien élu d’extrême droite à Béziers ]...[.
« Entre-temps, Monsieur le Président de la République, les deux gugusses désignés par nous, comme expéditeurs des balles ]...[ ont été exclus du MIL, l’officine « action » de votre UMP .
]...[ N’est-il pas temps, Monsieur le Président de la République, d’en finir avec une enquête qui ressemble de plus en plus à la consigne de chercher beaucoup et bruyamment afin de ne surtout rien trouver, en tout cas le plus tard possible. ]...[ Vous qui auriez un intérêt immédiat à faire encore durer le suspens, vous vous grandiriez à purger cette affaire idiote qui livre notre département à la DNAT ]...[ qui serait assurément mieux occupée ailleurs.
La démocratie n’est jamais en sécurité quand la police tâtonne et le fait peut-être exprès... »
Au delà du fait que la conclusion est plutôt comique quand on connaît le passé policier et judiciaire de son auteur, Rodolphe Crevelle révèle par cette lettre ouverte sa grande implication dans cette affaire. Son implication ira jusqu’à s’en prendre à « Midi Libre », le « quotidien concurrent » comme il le nomme. Cela lui vaudra une convocation chez un juge. Il tentera même, selon ses dires dans cette même lettre ouverte déjà citée, de faire que sa thèse soit reprise par la justice, afin dit-il « que l’enquête soit ]...[ conduite de façon indépendante par un juge ». En vain. Pas de suite non plus à notre connaissance.
Tout au long de ces mois d’enquête, article après article, il dénonce, publie les photos de ceux qu’il a « identifiés » comme coupables et fustige l’anti-terrorisme dans ses errements. Certes ceux qu’il soupçonne sont de sa famille, droite dure et extrême droite. Il est donc, comme il dit, de ce « marigot ». Peut-être en effet a-t-il des informations que son appartenance lui permet d’avoir. Peut-être affabule-t-il ?
Impossible pour nous de le savoir. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il est omniprésent tout au long de l’enquête.
Les poulets et le facho
Peut-on imaginer une seconde que la police ait pu ignorer dans son enquête les accusations de Rodolphe Crevelle, mais aussi et surtout la présence de ce personnage, qu’elle connaît, elle, très bien.
Car, à l’époque, son passé d’activiste est long comme le bras. Pour ce qui nous concerne, retenons ce qu’en dit le site antifasciste La Horde :
« il crée en 1984 la Garde Blanche (GB), « armée catholique et royaliste » d’une trentaine de membres, qui organise quelques camps d’entraînement et surtout participe aux affrontements avec la police autour de la fac d’Assas ; qu’il participe à différentes actions coups de poing, en particulier contre des militants de la CGT ou du PCF. » « bascule dans la criminalité : arrêté en 1986 pour des braquages de bureaux de poste et de supermarchés, il est incarcéré à Fleury-Mérogis, » En « 1994 se lance dans son grand projet : lutter pour l’indépendance du Val d’Aoste. ]...[ à partir de janvier 1995, ]...[ Crevelle n’hésite pas à déclarer la guerre aux fascistes italiens du MSI et, fort d’une cinquantaine de militants, à mener des opérations « commandos » en territoire italien contre des locaux du parti. La blague prend fin en septembre 1996 quand la police italienne vient arrêter Crevelle et ses copains, considérés comme « terroristes », ]...[condamné à six mois d’emprisonnement, Crevelle échappe à la prison. » « un article d’octobre 2006 publié dans Sud Journal sous le pseudo Benoît Seyse, intitulé « Mon voisin est une mosquée » et violemment islamophobe, lui vaut, au vu de son parcours judiciaire et de son multi récidivisme, une condamnation à trois mois fermes (octobre 2008) . » [2]
Donc au moment de l’affaire du corbeau, de ces articles accusatoires et de sa lettre ouverte à Sarkozy, au moment où tout l’antiterrorisme cherche le corbeau, est omniprésent dans l’enquête un Rodolphe Crevelle au passé sulfureux, et qui a en plus contre lui un mandat d’arrêt. Mandat d’arrêt toujours actif, puisque il déclare en mars 2015, sur le site d’extrême droite « Il Faudra bien Vous Y Faire », au sujet de cette condamnation de 2008 : « j’ai pris trois mois fermes]…[cela fait plus de cinq ans maintenant et je ne me suis toujours pas décidé à téléphoner à mon avocat pour savoir si c’est prescrit » .
Jusqu’à l’arrestation du corbeau « officiel », il défendra Sa thèse. Sitôt le corbeau arrêté, dans un long édito de son journal, « La Semaine de l’Hérault » (n°93) du 24 septembre 2009, il se confond en excuses, tressant une couronne de laurier au député Elie Aboud, qu’il accusait la veille, et annonce qu’ « il vaut mieux que « La Semaine de l’Hérault » suspende sa parution pour quelques temps ». En fait elle ne reparaîtra plus et il renouera avec l’activisme d’extrême droite en créant différents groupes et en publiant différents journaux dont le « Lys Noir » dont nous reparlerons.
Pourquoi ce sabordage soudain et l’abandon brutal de sa thèse ? Mystère. Mais le 11 septembre, le député Elie Aboud est interviewé par le journal Midi Libre sur les accusations portées par Rodolphe Crevelle à son encontre et reprises publiquement par Pierre Blondeau lors de la conférence de presse du 9 septembre. Elie Aboud affirme, lui, que cette affaire est une tentative de « déstabilisation majeure de Raymond Couderc » et s’étonne de « l’envoi massif de lettres par courrier timbré aux sympathisants UMP contenant ces fausses affirmations » sur sa culpabilité.
Question : Rodolphe Crevelle a-t-il participé à une lutte interne dans l’UMP ? L’histoire du Corbeau faisait-elle partie de ces rivalités ?
En tout cas on le voit, Rodolphe Crevelle est pour la police tout sauf un petit journaliste de province qui écrit dans une vilaine feuille de chou. On le sait aujourd’hui, c’est, au contraire, un personnage à surveiller de près et son entourage avec.
Et son entourage, on le connaît.
Quand on reprend la liste de tous les suspects, sauf le premier, l’informaticien de Montpellier, tous ont un lien avec lui, au moins idéologique (extrême droite locale), voir physique, voire les deux. Et parmi eux, deux le rencontrent régulièrement, car il sont comme il le dit dans sa lettre ouverte à Sarkozy « ses informateurs ». Ce sont Georges Escafit de Sète et Pierre Blondeau de St Pons. Tous deux entendus et perquisitionnés le 11 août, date de la première incursion de l’antiterrorisme à St-Pons et ses environs.
Pierre Blondeau admet aujourd’hui connaître Rodolphe Crevelle depuis 2007. Au moment de l’affaire, cela fait donc déjà deux ans que Rodolphe Crevelle parcourt le pays pour recueillir les infos locales, les petites affaires de villages. Sa spécialité c’est le portrait de « figures locales ». A ce titre, Pierre Blondeau fut portraitisé et comme sur St Pons sa fonction d’opposant personnel au député maire socialiste l’occupait beaucoup, il le fut plusieurs fois.
Qu’en déduire ?
La révélation de la proximité de Pierre Blondeau et Rodolphe Crevelle antérieure à cette affaire du « corbeau », ouvre donc une autre piste dans les responsabilités de la venue de la police à St Pons et chez Pierre Blondeau. Si comme nous l’avons vu la rivalité avec Kléber Mesquida ne peut avoir été « l’élément déclenchant », le passé et les activités de Rodolphe Crevelle par contre le furent sûrement.
Soyons clairs, dire cela ne signifie pas que Pierre Blondeau fut réellement mêlé à ces envois de lettres. Par contre les affirmations d’Elie Aboud concernant une lutte interne à l’UMP, et l’arrêt brusque de la parution de la semaine de l’Héraut peut laisser planer le doute sur le rôle réel de Rodolphe Crevelle dans l’affaire du corbeau elle même.
Il semble clair maintenant que c’est sa qualité de « correspondant local » de Pierre Blondeau, ou « d’informateur » comme dit Rodolphe Crevelle, qui a attiré sur lui la suspicion de la police et par voie de conséquence sa venue. Il est raisonnable de penser que c’est cette relation un peu trop étroite qui a sûrement valu à Pierre Blondeau et à quelques dizaines de personnes de son entourage des jours mouvementés. Episode douloureux qui a laissé des traces sur les personnes concernées.
Les leçons de cette histoire
Au delà des déboires et déconvenues que Pierre Blondeau a récoltés de cette affaire, c’est tout le milieu militant qui a été touché. Les luttes elles-mêmes en furent affectées directement, car la police, par son intrusion surprise, ses interrogatoires, ses perquisitions, n’a pas manqué de déstabiliser les « contestataires » et parmi eux les militants, mais surtout les relations entre eux. Cela ne s’est pas senti immédiatement car l’élan de solidarité que les perquisitions et les gardes à vue avaient suscité, a, un temps, resserré les liens. Au printemps suivant, la mobilisation contre la réforme des retraites de 2010 a été massive et dynamique dans la vallée.
Mais, on a pu très vite constater que la médiatisation des principaux acteurs involontaires de cette stupide affaire montée en épingle par le gouvernement lui-même pour des raisons obscures, avait fait des dégâts.
Ces dégâts, les contestataires les redoutaient et dès la libération des gardés à vue, la décision collective fut prise de refuser les interviews à l’issue de la grande conférence de presse publique organisée pour laver l’honneur des personnes mises en cause. Ce moment de parole publique devait clore la médiatisation afin de protéger les personnes mises en cause d’une trop grande personnalisation. Cette malheureuse affaire n’ayant d’autre intérêt politique que d’avoir mis en évidence, le fonctionnement du pouvoir et de sa police. Bien sûr et malheureusement cette ligne ne fut pas tenue.
Il faut le reconnaître et le déplorer, résister à la notoriété, même si celle-ci est accidentelle, n’est pas facile. Pierre Blondeau n’y a pas résisté : création de la Confrérie du Corbeau (rouge) ; livre sur l’affaire [3] et sa promotion dans les manifestations littéraires et militantes ; fêtes anniversaires à St Pons, sur l’affaire, organisées par la « confrérie » ; plusieurs émissions de radio, avec rediffusion anniversaire, dans « Là bas si j’y suis » de Daniel Mermet...
Mais là encore Rodolphe Crevelle aura joué son rôle. Après avoir médiatisé Pierre Blondeau dans la « Semaine de l’Hérault », en janvier 2011, il fait dans son nouveau journal « Le Lys Noir », journal confusionniste et délirant, anarcho-royaliste, un portrait flatteur de son ami et de « son bureau de tabac de Saint-Pons ]qui fait[ également fonction de centrale révolutionnaire pour tous les hauts cantons de l’Hérault, ». Quant à Pierre Blondeau, il en fait le « leader des communistes libertaires locaux » qui s’ils existent bel et bien dans la vallée n’étaient pas proches de lui, idéologiquement parlant.
En 2015 il pousse encore un peu plus le bouchon et le délire, dans un nouveau journal éphémère (5 numéros) intitulé PAZOC « Paris Zone de Combat ». Dans le n°2 de ce journal, faussement anarchiste, et destiné à créer la confusion dans la mouvance « autonome » pendant la COP21 il reprend la comparaison avec Tarnac, qu’il évoquait déjà pendant l’affaire du corbeau et écrit « A côté (de St Pons) Tarnac ]...[ c’est de la gnognotte. Il aura fallu la fameuse affaire « Cellule 34 » ]…[pour que l’on s’en aperçoive. »
En 2016, dans un nouveau numéro du « Lys Noir » il explique le véritable objectif de son complot « PAZOC », -complot rapidement démasqué par les antifas de La Horde et le site web « Confusionnisme info »- et se prévaut d’y avoir interviewé « une figure de l’extrême gauche révolutionnaire, soutien logistique des luttes de Notre Dame des Landes et Sivens, Pierre Blondeau ».
Bref il n’a de cesse depuis 2009 de grossir l’importance de Pierre Blondeau et d’exagérer l’importance de ses « troupes ».
Même quand c’est écrit dans un journal aussi délirant que le Lys Noir, que Pierre Blondeau distribue dans sa librairie, cela flatte, et certains ont fini par croire en effet qu’ils étaient ce que le ministère de l’intérieur avaient inventé : des militants révolutionnaires d’ultra-gauche. Des anarcho-autonomes, selon la terminologie de la police, « comme ceux de Tarnac ». Et ils le crurent tellement qu’ils prirent contact avec « les Tarnac » dès 2010 et les reçurent à St Pons, ce qui plut énormément à la presse mise hélas dans la confidence.
On peut dire que Rodolphe Crevelle et le ministère de l’intérieur ont fabriqué une légende. Légende qui a convaincu Pierre Blondeau lui-même. Et il n’a désormais plus le choix que de coller à son image, peut-être avec sincérité d’ailleurs, ce qui est peut-être pire. Depuis, Rodolphe Crevelle ne le lâche plus et en a fait un héros national, le citant toutes les fois où il le peut, l’entraînant donc, on le sait maintenant, dans ses « complots » comme l’affaire Hugues Aufray.
Mais malheureusement Rodolphe Crevelle n’est pas le seul à se servir de cette « légende ». Olivier Azam, en a fait, lui, un film, « La Cigale, le Corbeau et les poulets », qui rencontre un succès certain dans les milieux militants.
Qu’est ce qui a séduit Olivier Azam dans cette histoire ?
Le pittoresque de ces papys hors normes ?
L’exotisme des hauts cantons héraultais ?
La misère sociale qui s’y développe ?
Ou la culture de lutte qui cherche à s’y maintenir ?
Au vu du film, pour certains de ceux qui ont vécu cette histoire la question se pose.
La médiatisation est un piège, tout opposant conséquent à la domination spectaculaire le sait et tente de s’en défendre. Que ce soit celle de Rodolphe Crevelle avec ses affabulations confusionnistes et complotistes ou celle d’Olivier Azam, plus sympathique et humoristique, le résultat est le même. En mettant en avant un ou des personnages « atypiques », « spectaculaires », ils dévitalisent une contestation populaire, multiforme et inventive qui s’est développée dans ces Hauts Cantons héraultais pendant presque 20 ans. Ils font de ces dizaines d’acteurs de ces mobilisations de simples figurants et au final de simples spectateurs. Il n’est pas sûr que cette culture de lutte y survive, car les premiers intéressés, Pierre Blondeau en tête et ses admirateurs, n’ont absolument pas conscience des dégâts produits.
Les effets du confusionnisme sur le terrain
Nous l’avons dit Rodolphe Crevelle pratique partout où il le peut un mélange des genres, tendant des passerelles hasardeuses et toxiques entre des idéologies qui n’ont rien à voir et même s’opposent.
Il y réussit d’autant mieux quand le terrain s’y prête et que, comme pour Pierre Blondeau, règne déjà une certaine confusion des idées. Pour lui à « gauche » bien sûr, qui au fil des ans accumule les étiquettes : ATTAC, LDH , PC, Ensemle34, BDS, Alternative Libertaire, le DAL, le Secours Populaire, Hurlevent (une association anti-éolien), Nuit Debout ... Faisant cohabiter des concepts parfois opposés.
Rodolphe Crevelle, qui déclare dans l’hebdomadaire « Marianne » en janvier 2017 qu’à La Cigale, « ça marche à l’affectif » « on arrive à tisser des liens amicaux, ça facilite les rapprochements", a habilement amené Pierre Blondeau à pousser la confusion un peu plus loin, cette fois vers l’extrême droite [4].
Comment s’en étonner quand on lit dans le journal CQFD de novembre 2009, dans l’interview d’un très proche de Pierre Blondeau, lui aussi ayant subi une garde à vue dans l’affaire du corbeau : « que les ennemis de nos ennemis sont nos amis » ; ou encore dans le mensuel Marianne du 3 janvier 2017 que Pierre Blondeau, interrogé sur l’incongruité de son alliance avec Rodolphe Crevelle dans l’affaire Hugues Aufray, répond : « on est pas sectaire dans le coin » [5].
Le confusionnisme n’est pas qu’un concept pour définir un comportement ou une stratégie, il a aussi, on le voit avec ces affaires, des conséquences pratiques. Les « contestataires » des hauts cantons en ont fait l’expérience.
En acceptant d’avoir une relation avec Rodolphe Crevelle, dont il ne pouvait ignorer au moins les idées, car celui-ci est un prosélyte zélé, Pierre Blondeau a fait rentrer chez lui et en lui le premier poison, celui qui allait lui amener la police pour des faits qu’il n’avait pas commis.
Et la police n’était sûrement pas le pire qui pouvait lui arriver, puisque son entourage, en se mobilisant, a réussi à le sortir de ses pattes.
Le pire était sûrement la médiatisation et le vedettariat, bien exploités encore par Rodolphe Crevelle.
Depuis, Pierre Blondeau est devenu un homme politique, amateur certes, mais comme eux accumulant les casquettes. Ce qu’il reprochait, à juste titre, à son ennemi, le député maire, il le pratique désormais. Oh, à la mode roots et en « insoumis » bien introduit chez les zadistes de Notre Dame des Landes ou de Sivens, qu’il aide et soutient, même si son ami Rodolphe Crevelle lui fait dire dans une « Conversation léniniste » publiée dans son PAZOC n°2 : « Tu sais aussi que les routards à Notre Dame des Landes ou Sivens sont tartes à en pleurer. » L’a-t-il vraiment dit, qui peut savoir, c’est Rodolphe Crevelle qui l’écrit et il écrit ce qui lui va bien.
« Pour dîner avec le Diable il faut une longue cuillère » dit l’expression populaire, et rajoutons que le résultat n’est pas garanti. Alors quand on y va à pleines mains…
Nous parlons là bien sûr de l’autre affaire, l’affaire Hugues Aufray où Pierre Blondeau s’est vu promu par Rodolphe Crevelle, cheval de Troie chez les zadistes. Affaire où confusionnisme, médiatisation et vedettariat se rejoignent Dans cette nouvelle affaire dans laquelle Pierre Blondeau se retrouve pris, un degré de plus est franchi. Rodolphe Crevelle s’appuie sur l’image de Pierre Blondeau pour « piéger » Hugues Aufray dans un complot aux fins suspectes : recherche de notoriété ? Recherche de financements ? Pour qui ? Stratégie politique ésotérique ?
Il piège Hugues Aufray et amène Pierre Blondeau à agir contre ses propres intérêts puisqu’il lui fait récolter des signatures pour le chanteur, qui n’a aucune chance d’être élu, alors que celui qu’il soutient officiellement est Jean Luc Mélenchon. La supercherie va jusqu’à intituler la candidature d’Hugues Aufray : « Candidature indépendante de la France Invisible ». On notera le « FI » commun à cette formation et à la « France Insoumise » de Mélenchon. La révélation de cette affaire par la presse nationale aura, peut-être, coûté à Pierre Blondeau son investiture « France Insoumise » aux élections législatives de juin 2017 dans la cinquième circonscription de l’Hérault. Elle lui coûte en tout cas son image, maintenant ternie, et la confiance que lui apportait son entourage militant des partis politiques et associations auxquels il participait.
Il faudra du temps pour qu’elle revienne. Et sans attitude claire, pour tenir à l’écart Rodolphe Crevelle et ses semblables, peut-elle revenir ?
Qui est réellement Rodolphe Crevelle ? Et quel est son rôle dans les luttes en général ?
La question que nous nous sommes posés est la suivante : quel rôle a eu Rodolphe Crevelle dans cette affaire dite « du corbeau » qui, dans l’Hérault, mit en branle pendant plusieurs mois l’anti-terrorisme et valut à plusieurs personnes perquisitions et gardes à vue ? Et quelles furent les conséquences sur la contestation dans les Hauts Cantons de l’Hérault ?
Nous l’avons vu plus haut, et le site de La Horde le détaille, la biographie de Rodolphe Crevelle égrène une série de condamnations pour délits de presse (principalement pour incitation à la haine). La dernière en date (20 avril 2017) par le tribunal de Perpignan est de 6 mois de prison ferme et 20 000 € d’amende pour deux articles parus dans le journal « Le Petit Catalan » en août. [6] Lui-même se vante dans l’un de ces opuscules d’avoir cumulé pour 500 000 € d’amendes.
Il a été arrêté en Italie pour tentative de « putch ».
Il a été condamné en France à de la prison ferme notamment pour braquage.
Il édite depuis des décennies journaux et livres appelant à renverser la République par la manière forte. La plupart du temps en toute illégalité : pas de mentions légales, pas d’adresse d’imprimeur, d’éditeur, de directeur de publication. Mais sans lésiner sur les moyens : tout en couleurs et gros tirages. Au moins une demi douzaine de pseudonymes.
Fréquente toute la fachosphère jusqu’aux plus extrémistes des extrémistes (Groupe action Jeunesse, Restauration Nationale, Mouvement Nationaliste Révolutionnaire…).
(Voir Site de La Horde)
On peut donc se poser légitimement quelques questions :
Comment un tel personnage, susceptible d’être fiché S vu son goût pour la violence armée et son passé de propagandiste du coup d’Etat, peut-il éditer des titres à foison, appeler régulièrement au putch (à l’occasion des présidentielles de 2012, puis à l’occasion de la loi Taubira et de la « manif pour tous », par exemple) ?
Comment se fait-il qu’Elie Aboud, comme nous l’avons vu plus haut dans l’affaire du corbeau, qu’il accusait sans fournir de preuves d’être à l’origine des envois de lettres de menace, se soit contenté, plutôt que d’attaquer en diffamation une vieille connaissance, de répondre à Rodolphe Crevelle dans La Semaine de l’Hérault du 24 septembre 2009 : « Je ne comprends pas ce que tu m’as fait Rodolphe. J’ai toujours été bon avec toi. Même dans certaines transactions dont tu avais besoin.]…[ Qui t’a manipulé, Rodolphe ? » [7]
Bref les autorités, qui auraient, on le voit, tout loisir de faire cesser la nuisance de ce personnage connu jusqu’au plus haut sommet de l’Etat, donc très surveillé et « suivi » de long temps, le laissent au contraire aller à sa guise, distribuer sa prose à gogo (dans tous les sens du terme), et n’envisagent apparemment pas la contrainte par corps pour amendes impayées malgré l’importance des sommes dues…
On ne peut donc pas s’empêcher de penser qu’il y a de la protection quelque part. Et des sponsors aussi évidemment : tout ce pognon dépensé en imprimerie. Il est donc logique de penser que les services de l’Etat contre lequel il prétend se battre, plutôt que de le mettre hors circuit, préfèrent lui laisser toutes liberté et facilités qui l’aident à multiplier les contacts dans les milieux potentiellement dangereux pour les institutions et la bonne marche des affaires. Ne serait-il pas, pour ces services, dans le rôle de « la chèvre » ? Un appât. Empoisonné qui plus est.
Car la seule approche un peu suivie de Rodolphe Crevelle suffira à déconsidérer fortement ceux qui s’y sont frottés. Les services de police « politique » y trouvent leur compte : plus il y a de fiches, et plus il y a de zizanies dans les milieux radicaux, mieux l’Etat s’en trouvera.
On peut donc imaginer du donnant-donnant genre : « on te laisse continuer ton cirque, mais tu nous sers d’informateur et t’essayes de débaucher tout ce qui bouge » . Imagination ? Peut-être. En tout cas hypothèse logique.
Ce qui est sûr c’est que la police trouve son compte de renseignements dans le suivi des activités et surtout des contacts de Crevelle. La seule question à se poser est celle-ci : Est-il un appât volontaire et payé de récompenses en conséquences, ou un appât contraint par chantage à la prison et seulement « toléré » pour l’intérêt de l’Etat républicain.
Mais quelque soit la réponse à cette dernière question, le résultat est le même : Rodolphe Crevelle nuit gravement à la santé des luttes.
des militantes et militants des Hauts Cantons
août 2017