Au cours de l’été dernier, nous avons dramatiquement constaté que l’application de l’état d’urgence n’a pas empêché des attentats d’être commis. En revanche, il a bel et bien permis de rendre illégales un certain nombre de manifestations (en solidarité aux migrant-e-s, contre la COP 21, contre la loi travail, etc.), de prononcer des interdictions de manifester et/ou des assignations à résidence de militant-e-s, d’entretenir un climat raciste où les musulman-e-s et supposé-e-s tel-le-s sont stigmatisé-e-s, avec des milliers de perquisitions administratives de jour comme de nuit dans les quartiers populaires, la plupart sans justification. Et il a installé l’armée dans nos rues.
S’il est vrai que toutes les dispositions de l’état d’urgence n’ont pas été appliquées, c’est bien parce que les réactions contre celui-ci ont été larges et fortes ; nous ne devons donc pas cesser notre vigilance. Surtout, accepter le maintien de l’état d’urgence, c’est permettre à l’État de se servir de ces mesures quand bon lui semble. Dans un contexte électoral qui favorise la surenchère sécuritaire, on ne peut qu’être inquiet-ète de laisser se perpétuer un arsenal législatif aussi liberticide. Quel-le que soit le gagnant ou la gagnante des élections présidentielles, les régressions sociales sortiront des urnes, et certainement avec rapidité et brusquerie. Laisser l’État disposer d’un socle légal pour réprimer toute velléité de résistance est dangereux.
...combattre l’état d’urgence et l’ensemble des mesures sécuritaires et antisociales qui avancent main dans la main, mais au-delà nous devons dénoncer l’État en tant que tel
L’ensemble des travailleurs-euses et précaires doit se sentir concerné par ces atteintes à nos libertés, car l’état d’exception permanent n’est pas qu’une mesure sécuritaire de plus. Au-delà se joue la fin d’un état de fait, arraché par plus d’un siècle de luttes qui avaient contraint la démocratie bourgeoise à acheter la paix sociale, en échangeant la domination de quelques uns sur tou-te-s les autres contre un minimum de redistribution des richesses produites, et contre la liberté, précaire, certes, d’affirmer son opposition.
Cela fait plusieurs années maintenant que lois anti-sociales et mesures sécuritaires s’empilent, détruisant brique par brique ce qui avait été conquis. Mais l’accélération des attaques, toujours plus profondes, tant sur les droits sociaux que sur les libertés, opère un basculement qui laisse entrevoir un changement de régime, porteur en germe d’un niveau de violence sociale et politique comme la France n’en avait pas connu depuis des décennies. Ce sont nos luttes, et ce sont nos vies qui sont menacées. Le pire n’est jamais certain, alors ne nous y trompons pas. Si la classe dominante peut se permettre aujourd’hui de se passer de contreparties, aussi insatisfaisantes soient-elles, c’est qu’elle ne craint plus un rapport de force qui s’est trop estompé. La période est difficile, mais il doit y avoir de vieux chemins à emprunter à nouveau, de nouvelles formes à inventer, car seules les luttes collectives pourront nous offrir des perspectives émancipatrices à l’opposé de l’abîme que l’on nous promet.
les Relations Extérieures de la CGA