"Martinez me dit : tu me colles aux basques", confie de manière ironique Philippe Juraver. Celui qui rivalise avec le patron du syndicat CGT, c’est le responsable Luttes de la France insoumise. L’équipe de campagne de Mélenchon débarque désormais dans des entreprises en grève en vue des présidentielles de 2017. Philippe Juraver, ancien agent de la RATP, intervient avec ses relais locaux pour apporter la bonne parole mélenchoniste. Il est venu en train sur le site de Nétia, sous-filiale d’Orange, dont les salariés en grève dénoncent un rachat avec licenciements.
Récupération politicienne
"On a un programme, on a un plan", claironne le bureaucrate devant des salariés inquiets pour leur avenir. Il distribue même le livre de Mélenchon qui dicte le programme de la France insoumise. Le discours est toujours le même, mélange de nationalisme et d’autoritarisme étatique. A Nétia, Philippe Juraver est très à l’aise pour plaquer son discours. Le repreneur de Nétia est allemand, une aubaine pour les mélenchonistes qui dénoncent "Le hareng de Bismark" pour recycler le vieux nationalisme anti-boche. Ensuite, l’Etat reste l’actionnaire majoritaire d’Orange. Le discours est entendu : il suffirait d’élire ce bon Méluche pour régler le problème depuis l’Etat. Même si Philippe Juraver se garde d’une démagogie aussi explicite.
La campagne de Mélenchon s’appuie donc sur de nombreux relais au sein de la CGT. Ce sont souvent des syndicalistes qui alertent directement le politburo de la France insoumise. Mélenchon n’est pas qu’un tribun médiatique. Il entend bien récupérer la colère sociale qui existe dans les entreprises. Il veut orienter les luttes sociales vers le bulletin de vote à son nom.
Plutôt que la coordination des luttes locales, la France insoumise préfère alimenter l’illusion électoraliste pour recruter quelques naïfs.
"Il y a même un salarié d’une entreprise dans laquelle je suis venu qui a rejoint notre campagne", témoigne Philippe Juraver. Plutôt que la coordination des luttes locales, la France insoumise préfère alimenter l’illusion électoraliste pour recruter quelques naïfs.
Stratégie de com’
Au-delà d’une classique récupération des contestations dans le monde du travail, l’intervention dans les entreprises doit permettre de peaufiner la stratégie de com’ du candidat. Philippe Juraver observe une vraie dynamique médiatique en faveur de son chouchou. "On fait même la couverture de l’Obs, avec une photo pas trop moche", se réjouit le militant. L’objectif n’est pas uniquement de convaincre les grévistes de se tourner vers Mélenchon. La venue à Montpellier de Philippe Juraver se traduit par une vidéo de 3 minutes pour alimenter le site de la campagne.
Un responsable local de la France insoumise dénonce la situation sociale à Nétia. Ensuite, un salarié apporte son témoignage. "On s’appuie sur des exemples concrets pour illustrer notre discours politique. Ne vous étonnez pas si Mélenchon parle de Nétia à la télé", confie Philippe Juraver. Le candidat veut montrer, en citant quelques entreprises en difficultés, qu’il est vraiment en contact avec la France qui souffre.
Comme souvent, à l’approche des élections, les luttes sociales se tournent vers les candidats. C’est alors l’autonomie des luttes qui est menacée. Les salariés sont tentés de s’en remettre aux promesses politiciennes. Pourtant, il n’est pas nécessaire d’avoir la mémoire longue pour constater l’échec de cette démarche. Les grévistes d’Arcelor Mittal à Florange et même de PSA à Aulnay peuvent témoigner de l’échec de cette stratégie. Sans parler de la Grèce avec le Mélenchon local qui réprime les luttes pour mettre en place des politiques d’austérité. Au contraire, il semble important de favoriser l’auto-organisation et la coordination des mouvements de grève.