Parlez-moi du droit de grève que je vous crache à la gueule

Le droit de grève n’existe pas pour les personnes précaires, en CDD qui mendie un travail, c’est à dire l’aliénation et la domination salariale. Texte d’analyse.

Demain, c’est la grève, super, on ne travaille pas, on lutte, on radicalise les masses, on va se promener, on baise, on casse une vitrine, bref on vit. Mais pas pour tout le monde, c’est une évidence : quand on est en CDD, c’est impossible et je vous le prouve. Arrivé en contrat précaire au sein d’une grosse boîte d’ici peu, me voici dans une situation inextricable : faire grève, inscrit dans la constitution, acquis de haute lutte, mais pourtant, dans la pratique c’est dans le ciel des idées.

quand on est en CDD, c’est impossible [d’être en grève] et je vous le prouve

Depuis l’appel à la manif par quelques bureaucrates syndicaux, ennemis des travailleurs, mais jouant leur rôle de partenaires sociaux, aucune discussion dans la boîte, aucun débat, aucune réunion, aucun syndicat ni syndicaliste, rien, le vide, le néant. Même quand on a besoin d’eux pour trouver une légitimité dans les méandres du travail salarié, ils ne sont pas là, ces bougres... mais oui, j’oubliai, ils étaient en réunion avec la police pour décider du trajet de la manifestation. Côté salarié, nous ne parlons jamais politique, l’ordre règne dans le spectacle sauf pour s’apitoyer sur le trop plein de travail et le trop grand nombre de réunion par semaine. Je n’ose pas, peur de me prendre un vent, j’attends le bon moment.

A la pause café, je me décide d’entamer une discussion avec un collègue très sympathique, plutôt de gauche (ça veut dire quoi ?). En rigolant et avec de l’humour je lui lance : "alors qu’est-ce qu’on fait demain ?". Il me répond, gêné et défaitiste : "oh, tu sais, je suis au courant de la loi, encore une. Je ne fais jamais grève moi, c’est trop compliqué niveau tune, j’ai des gosses et puis ce n’est pas très bien vu." Je lui répond du tac au tac : "je comprends bien, mais dans notre boite, il n’y a pas de syndicat, de réunions d’information, bizarre". Puis, avec résignation : "non, dans le service il n’y a personne qui fait grève. A l’époque il y avait une collègue syndiquée mais elle est partie. De toute façon, c’est très mal vu de faire grève" et ajoute avec malice "pour toi c’est impossible, tu es en cdd, ce serait très mal perçu par les responsables et les conséquences fâcheuses". Pas besoin de plus, je passe sur un autre sujet.

"pour toi c’est impossible, tu es en cdd, ce serait très mal perçu par les responsables et les conséquences fâcheuses"

J’imagine à cet instant les nombreuses personnes dans mon cas et je me dis... Dommage, je vais me lever à 7h demain, c’est la démocratie. Ce soir, en lisant ce voyou de Rimbaud, j’espère à un début de grève joyeuse, un début de mouvement, une radicalisation des masses (chère aux léninistes mais aussi aux anarchistes), je repense aux joyeuses mais stériles AG étudiantes enfumées ou chacun buvait quotidiennement plus de verres qu’un syndicat ne dit de mensonges durant toute la durée d’une grève sauvage. Puis, buvant sous la lune, je me raisonne et pense qu’il serait stupide de crier victoire, de fanfaronner comme tant de militants pour une pauvre journée d’action qui peut-être en appelera une autre et une autre... pour arriver ou, je n’en sais rien, mais le fantasme ne m’excite plus, l’acte-en-train-de-se-faire toujours. En tout cas, dans ma boite c’est mort, aucun gréviste, rien que de la domination objectivée et assimilée par chacun.

Sale époque !

8 mars 2016

P.-S.

Au boulot, je lis que les propos de Jean-Marc sur les attentats suscitent de vives réactions au sein de l’Etat, du monde politique et des journalistes pour avoir dit en gros : "DAESH est un ennemi" et puis plus haut : "les djihadistes se sont battus courageusement dans les rues de Paris en sachant qu’il y avait près de 3000 milles flics autour d’eux". Il a tout mon soutien pas besoin d’en dire plus et pour les nombreux illettrés et nécessiteux d’aujourd’hui, parmi eux la canaille journalistique, qu’ils relisent tous Clausewitz, ces ordures. Tout mon soutien à lui et à ses propos.

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