La DRAC de Montpellier méprise les précaires

Un compte-rendu d’une action (25 février 2016) de la Coordination intermittents-précaires Languedoc-Roussillon qui s’oppose à la nouvelle négociation de l’Assurance chômage.

« Vous avez un statut spécial, n’allez pas dans la rue avec les précaires  », assène Anne Matheron aux intermittents du spectacle. Ce n’est autre qu’une bureaucrate de la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) à Montpellier. Cette institution représente le Ministère de la Culture dans la grande région Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées.

Action à la DRAC

Le 25 février 2016, la Coordination des intermittents et précaires (CIP) de Montpellier se rend à la DRAC pour protester contre une nouvelle négociation de l’Assurance chômage. La CIP a déjà occupé la Direccte qui représente le Ministère du Travail trois jours plus tôt. En 2014, la CIP a participé activement au mouvement contre la nouvelle convention Unedic. Une grève au Printemps des Comédiens a joliment perturbé le ronronnement du petit monde de la Culture.

Autant dire que la CIP est plutôt redoutée. Mais la plupart des artistes restent de gentils citoyennistes. Ils apportent à la DRAC une lettre adressée à la Ministre. Ils défendent la Culture et le pacte républicain. Rien de bien effrayant. Mais suffisamment pour déclencher une réunion de dialogue. Le petit groupe de la CIP traverse ce bâtiment luxueux, une salle avec des fauteuils Louis XVI, un jardin agréablement bucolique pour atterrir dans une salle de réunion. Dorures, glace immense, lampadaires sophistiqués : le cadre apparaît particulièrement luxueux. L’ambiance fait songer à Versailles pour ceux qui ne sont pas habitué au réunions de concertation sociale.

L’ambiance se veut conviviale. Chaque personne doit se présenter. Nom, prénom et même compagnie artistique. La DRAC déverse les subventions pour les comédiens. Ce lien de dépendance permet aux institutions de garder les artistes sous son contrôle. Le ton n’est donc pas à l’affrontement.

Mépris de classe

Anne Matheron, directrice adjointe de la DRAC, est surtout une militante du Parti socialiste. Elle est donc sincère quand elle défend la politique du gouvernement. Même si son discours relève évidemment plus de l’enfumage que des faits. Elle défend la politique culturelle. Elle accuse surtout les collectivités territoriales, de droite et d’extrême droite, de faire des coupes sombres dans les budgets culturels. Elle propose le dialogue, la négociation et les petits arrangements entre amis pour calmer les intermittents.

Mais c’est le spectre d’un mouvement interprofessionnel qui terrifie la bureaucrate socialiste. Dès que le discours de la CIP sort du corporatisme pour dénoncer l’ensemble des politiques d’austérité, la bureaucrate s’indigne. « Vous vous tirez une balle dans le pied en dénonçant la loi sur le Code du Travail », assène la fan de Martine Aubry. Seul le statut des intermittents doit être protégé. Les chômeurs, les précaires et le reste des travailleurs peuvent crever la bouche ouverte. Chacun doit sagement défendre son corporatisme. « Vous bénéficiez d’un statut spécial, n’allez pas dans la rue avec les précaires », s’effraie la militante socialiste. Un mouvement global risque effectivement de bousculer son gouvernement. « La Ministre ne vous répondra pas sur toute la précarité dans le monde », ajoute Anne Matheron. Derrière la défense du gouvernement se cache aussi un mépris de classe. Les artistes et la Culture c’est chic et prestigieux. Les chômeurs et les précaires, c’est sale et misérable.

Les intermittents veulent être reconnus et veulent négocier. Mais peuvent aussi ne pas être dupes du bavardage qui tourne à vide dans les salons de la République. « On est prêt à collaborer, mais en face on ne nous dit pas les choses. La CIP fait des propositions qui ne sont pas écoutées  », regrette une intermittente. Effectivement, le dialogue social ne mène à rien. C’est la lutte et la grève qui peuvent permettre d’inverser le rapport de force. Les mouvements des intermittents sont critiqués à juste titre pour leurs illusions à l’égard des institutions et pour leurs discours ridiculement naïfs.

En revanche, Anne Matheron a bien compris que c’est un mouvement de tous les exploités qui peut permettre de renverser la tendance. Le discours sur la Culture devient grotesque. Beaucoup d’artistes se retrouvent au RSA. Il serait temps qu’ils commencent à défendre leurs conditions de vie plutôt que l’institution culturelle.

Pour approfondir la critique :

- Une illustration des limites du consensus démocratique dans la lutte – La grève des intermittents à Cratère surface (Alès), publié sur le site du collectif Exploités énervés le 12 août 2014

- On a les chefs qu’on mérite. À propos du mouvement des intermittents du spectacle à Avignon en juillet 2014, publié sur le site DDT 21 le 31 octobre 2014

- “Culture en danger ? ”. Si seulement…, publié sur le site Dialectical Delinquents et daté d’octobre 2003

Publiez !

Comment publier sur LePressoir-info.org?

LePressoir-info.org est ouvert à la publication. La proposition d’article se fait à travers l’interface privée du site. Quelques infos rapides pour comprendre comment y accéder et procéder!
Si vous rencontrez le moindre problème, n’hésitez pas à nous le faire savoir
via le mail lepressoir chez riseup.net