Mise en contexte
Le TAV est un projet de Train à Grande Vitesse reliant la France à l’Italie par le Val de Susa. Ce projet, jugé polluant, énergivore, et dévastateur pour le territoire, suscite une mobilisation active des habitant.es du Val de Susa. Grâce à cette mobilisation, les travaux du TAV sont ralentis, sabotés et arrêtés depuis plus de 15 ans.
Une reprise de la lutte immédiate face à la reprise d’un chantier scandaleux
Dès la fin du confinement, la société en charge des travaux du Lyon-Turin (TELT & soci) a repris le chantier. Paniqués par le rejet par la Cour des comptes européenne du doublement de Turin-Lyon, ils ont tenté maladroitement de reprendre le travail en toute hâte. Des bulldozers ont commencé à essayer de percer les berges du torrent Clarea pour y poser une passerelle et y mettre des barbelés pour défendre le chantier. Pour permettre la reprise du chantier, les autorités italiennes ont mobilisé des centaines de policiers et de carabiniers. [...]
Forts de leur expérience de résistance les No-Tav se sont immédiatement mobilisés en constatant la reprise des travaux. Certains petits groupes se sont enchaînés aux portes et d’autres ont grimpé aux arbres en profitant de la connaissance du territoire accumulée au cours de ces années de présence active et de reconnaissance. Pendant ce temps, la police bloquait l’accès du côté de Giaglione aux partisans et aux journalistes, essayant d’isoler les notavs barricadés.
Un été de mobilisation
Malgré une forte réponse répressive du ministère de l’intérieur, qui a militarisé la zone en quelques jours, les No-Tav ont mis en place un campement de lutte dans le Val Clarea, afin de servir de lieu de rencontre et de support à la mobilisation qui reprend. Depuis fin juin, de nombreuses rencontres, discussions, manifestations sont proposées dans le cadre de ce camping permanent.[...]
Extrait d’un article de Mars-infos.org
Appel du mouvement No Tav
Le 20 juin, le mouvement No Tav, réuni en coordination des Comités, lance un appel à se mobiliser pendant tout l’été afin de bloquer la reprise du chantier.
Cette vallée a souffert, comme le reste du pays, durant la période du confinement.
Elle a payé un prix, en termes de vies et de pertes des affects, elle a attendu avec inquiétude des amis, des enfants, des frères et sœurs, des parents contraints de travailler dans des conditions dangereuses, parce que c’étaient des travailleurs dans des services essentiels. Après la réouverture, beaucoup de gens sont restés sans travail ou avec des perspectives inquiétantes pour l’avenir, au point d’ignorer comment boucler la fin du mois.
Les mêmes personnes qui, avec de grosses lacunes, nous disaient de rester à la maison et organisaient tant bien que mal ce qui a survécu aux coupes des dernières années dans la santé publique, appuient aujourd’hui sur l’accélérateur pour la reprise de la construction de la liaison Lyon-Turin, en appelant de leurs vœux une « débureaucratisation » et donc une accélération de tout le processus de ce Grand projet inutile comme de beaucoup d’autres.
La pandémie, la souffance, l’évidence qu’un modèle économique mortifère était dépassé, n’ont rien enseigné aux politiciens qui auraient pourtant dû apprendre beaucoup. De fait à quelques semaines de distance, dans la bouche des affairistes et politiciens Pro-Tav ne s’expriment que l’intérêt partial et le désir de profit au bénéfice de quelques-uns, ce que représentent tous les Grands projets, sans exception.
Nous parlons d’un système qui, pour se renouveler, a besoin de dévorer des ressources, de détruire des territoires, de polluer et de bétonner.
Il semblait encore, voilà quelques semaines, que quelque chose devait, pouvait vraiment changer, on espérait qu’une profonde crise mondiale comme celle qui venait à peine de se déclencher, pouvait vraiment pousser à des réflexions plus profondes et à des changements pour la protection de la planète et de la santé des personnes qui y vivent.
Le Tav, projet inutile, polluant et non soutenable aurait dû être parmi les premiers à être sacrifiés sur l’autel de la justice sociale et de l’opposition aux changements climatiques, alors que nous en sommes toujours là, à écouter et lire les mantras habituels, à devoir affronter la même hypocrisie qui nie ce qui est désormais sous les yeux de tous : le Tav est un crime environnemental et un gaspillage énorme d’argent public.
La Cour des comptes européenne est venue à notre secours quand elle a, sans trop de manières, rejeté le projet en le définissant comme coûteux, inutile et polluant. Malgré cela, ses défenseurs continuent à foncer, parce qu’ils ne connaissent pas la honte et n’ont certes pas à cœur l’avenir de la collectivité.
De toute manière, quoi qu’il arrive, ils n’auront pas à payer et resteront impunis, à la différence de ceux qui comme nous se battent depuis des années pour la défense de cette vallée et de nos vies.
Le gouvernement et ses dignes représentants (à quelques rares exceptions No Tav près), font la sourde oreille au moment où une entreprise privée comme Telt essaie d’avancer, de gagner de l’espace et du terrain, d’acheter, exproprier comme un véritable envahisseur, par tous les moyens, soutenue par les forces de l’ordre et les militaires.
Pendant des années, nous avons expérimenté à nos dépens la violence des « gardiens de l’ordre » et de la magistrature avec qui ils vont bras-dessus bras-dessous, et alors que dans le monde entier s’élèvent des protestations contre la police et le fait qu’elle soit au service des pouvoirs les plus racistes et sexistes d’un système qui produit l’injustice sociale, dans la vallée, nous continuons à subir leur présence aussi injustifiable que les intérêts qu’ils défendent.
Et maintenant, venons-en à nous, peuple indompté qui durant toutes ces années, a résisté aux attaques d’un système tyrannique, sourd aux raisons de ceux qui depuis trente ans ont à cœur l’avenir de toutes et tous.
Nous qui sommes encore ensemble à réfléchir sur un avenir différent et qui n’acceptons pas que notre vallée devienne la tirelire de crapules qui ont passé depuis longtemps leur date de péremption.
Précisément parce que nous savons qu’arrêter le Tav, c’est possible et que, aujourd’hui comme hier, c’est à nous de le faire, nous lançons cet appel pour un été qui nous verra mobilisés sur le territoire de la Vallée de Susa dans un projet de surveillance attentive et de Résistance contre chaque tentative de la part du système Tav pour détruire et attaquer notre territoire.
On se voit dans la Vallée de Susa !
No Tav en avant !
Repris d’un article de Lundi Matin
PHOTO : https://dijoncter.info/local/cache-vignettes/L800xH534/edunpxpx0aqhkqy-351bc-28583.jpg?1596455390
Chronologie estivale
Le 20 juin, suite à l’appel lancé par l’ensemble du mouvement, une nouvelle occupation se lance aux portes du chantier, le presidio [1] des Mulini (les Moulins) est né.
Le lendemain soir, un gros déploiement de troupes avait tenté de l’évacuer, sans y réussir. Quelques No Tav s’étaient enchaînés aux chalets, d’autres étaient montés dans les arbres.
Le soir du lundi 22 s’était déroulée la première marche de solidarité au presidio, durant laquelle il y avait eu une première relève. La police avait renté de l’empêcher, notamment en tirant des lacrymogènes dans les bois.
Le 26 juin, à la salle PalaNoTav de Bussoleno, il y avait eu une grande assemblée populaire, comme on n’en voyait pas depuis longtemps.
Le 28 juin, les Femmes No Tav s’étaient présentées en masse au portail du chantier et avaient exécuté la performance féministe internationale internazionale « Un violador en tu camino », avec des paroles adaptées à la situation de la vallée de Susa
Le 1er juillet, le nouveau maire de Lyon, il verde, Grégory Doucet, avait déclaré sans tergiverser son opposition au Tav.
Le lendemain avait commencé le campement itinérant No Tav, autour du chantier, dans des lieux communiqués jour après jour, avec des initiatives diverses.
Extrait de Lundi Matin
Pendant tout le mois de juillet, le presidio des Mulini sera le lieu de rassemblement pour empêcher concrètement l’avancer du chantier.
Une tentative d’expulsion aura lieu le 24 juillet :
Une opération de police est en cours au Presidio des Mulini. Pour l’instant, la police a réussi à détruire les premières barricades. Les No Tav résistent sur les toits, dans les arbres.
Mise à jour à 17h00 : Les forces de l’ordre ont répondu avec des bulldozers pour enlever les barricades des chemins. En milieu de matinée, pour tenter de faire descendre les gens des arbres, l’armée est arrivée avec les chasseurs de Sardaigne, le corps spécial né pour combattre le grand banditisme et désormais stationné à Chiomonte pour être déployé contre les Valsusini. Alors que le commissariat de police chante la victoire dans la presse en parlant de "garnison démantelée", les garçons et les filles des Mulini restent déterminés avec des provisions pour résister toute la journée dans les branches. Entre-temps, plusieurs groupes de notav ont réussi à contourner le blocus policier et à atteindre ceux qui résistaient à la Clarea par divers chemins secondaires... en assiégeant les assiégeants. Il y a eu quelques tensions avec la police qui a essayé de détruire les barricades érigées par les notavs, mais ils ont réussi à tenir leurs positions ! Le rendez-vous est à 18h30 sur le terrain de sport de la prison. Forza notav !
Extrait traduit de Notav.info
Le presidio est depuis l’objet de gazages récurrents, comme sur cette vidéo où les flics se mettent à gazer les notav sans aucune logique :
https://www.youtube.com/watch?v=jMzEIKF3zMc
Dernières nouvelles en date, les flics auraient coupé l’eau au presidio :
PHOTO : https://dijoncter.info/local/cache-vignettes/L613xH800/eekxm1uxkaa7hhm-5cb62-64815.jpg?1596455390
LE PRESIDIO DES MULINI SANS EAU COURANTE DEPUIS PRÈS D’UNE SEMAINE
Les troupes d’occupation ont coupé l’approvisionnement en eau courante du Presidio Permanant des Mulini depuis 5 jours.
Avant l’agrandissement du chantier de Clarea, les No Tav avaient restauré la bialera historique qui alimentait les anciennes meules des moulins pour amener l’eau courante à l’intérieur du Presidio. Les derniers mois de résistance ont vu la police et les chasseurs de Sardaigne tenter à plusieurs reprises d’interrompre l’approvisionnement en eau en cassant le petit barrage sur la Clarea qui détournait une partie de l’eau du ruisseau vers la bialera. La Résistance a restauré le barrage à chaque fois, mais depuis vendredi dernier, lorsque la police a abattu les barricades et assiégé le Presidio, il est devenu impossible de reconstruire le petit barrage et de le maintenir en activité.
La préfecture de police de Turin et les promoteurs des travaux espèrent donc affaiblir la résistance de ceux qui s’opposent au chantier en refusant un droit fondamental tel que l’accès à l’eau. C’est ce qui se passe à Val Clarea, dans un État dit "démocratique", où même les droits les plus fondamentaux sont remis en cause si l’on lutte contre la dévastation de l’environnement et le gaspillage de l’argent public.
Parallèlement, des journées de luttes organisées par les différents comités de la Vallée ont eu lieu pendant tout le mois de juillet :
9-11-12 juillet : presidio à Turin, puis Week-end Fomne No Tav
17-18-19 juillet : 3 jours de luttes organisés par le Comité de Lutte Populaire de Bussoleno
20-21-22 juillet : Camping d’Ecologie Politique
24-25-26 juillet : Critical Wine
29-30-31 juilet et 1-2 août : Camping Jeunes No Tav
De multiples actions ont aussi été organisées à différents moments, comme pour faire du bruit sous les hôtels où dorment les flics ou ici pour aller bloquer des entreprises participant à la construction du Tav :
PHOTO : https://dijoncter.info/local/cache-vignettes/L768xH576/copertina-768x576-43c32-40bcf.jpg?1596455390
Une nouvelle génération de No Tav
Toutes ces actions ne sont pas neuves dans le mouvement No Tav, elles sont le fruit d’années de réflexion, de connaissance du territoire, de ses habitant·es, mais aussi des stratégies policières. Elles sont aussi le fruit d’une articulation fine qui s’est construite entre les différentes envies de lutter, et les différentes capacités de chacun·e. Il y a quelque chose de rassurant et de solide dans la construction de ce mouvement incroyable qui traverse les décennies contre l’acharnement imbécile des pro-tav.
Mais le mouvement a toujours brassé aussi de nouvelles générations, accueillant chaque été des jeunes venu·es des quatres coins de l’Italie et d’ailleurs.
Le vendredi 24 juillet, vous êtes réveillé par un message : « ils sont en train d’expulser le Presidio des Mulini à la Clarea, les gens ont grimpé sur les toits des huttes et des arbres, les bulldozers avancent avec la police anti-émeute ». Le tam tam commence, un appel téléphonique à un ami : « Ton fils est là-bas aussi, tu t’inquiètes ? » « Mais non, je vais monter et voir, ils auront de l’expérience. »
L’explication est là. Il y a un changement de génération. Ils sont apparus presque soudainement, comme des champignons. Maintenant, il y a tellement de jeunes, et ils sont toujours là. Jusqu’à il y a quelques années, ils étaient présents dans les manifestations mais en cachette ; depuis quelque temps, ils ont pris possession de l’espace, ils se présentent en bloc, ils sont une puissance qui s’exprime dans les yeux et dans la détermination.
Le Presidio des Mulini inauguré le 20 juin à l’occasion de l’agrandissement du chantier de Chiomonte est devenu en peu de temps un lieu de vie. Beaucoup de jeunes gens et de tentes de camping colorées. La forêt pour protéger cette clairière : l’été, la chaleur, les jeunes et les moins jeunes et la beauté de Val Clarea, sont un mélange parfait pour se sentir immortel. Si le scénario dans lequel les habitants du Val Clarea se déplacent en opposition n’avait pas toujours été d’une beauté aussi totale, avec un fort sentiment collectif et communautaire, nous n’aurions peut-être pas atteint trente ans de lutte.
Extrait traduit depuis Notav.info
Pour aller plus loin dans la compréhension des années de crises traversées par le mouvement, il y a ce texte passionant écrit par Wu Ming 1 et paru dans Lundi Matin, La petite (mais libre) République des Mulini.
Et pour plus d’informations sur l’histoire du mouvement No Tav, n’hésitez pas à vous balader sur le site de Mauvaises Troupes, un collectif qui a consacré un livre aux histoires croisées de la Zad et du Val Susa.