« Si on parle de racisme systémique, il ne faut pas seulement déboulonner les statues du passé, mais aussi tout un système raciste et colonial ». C’est en faisant le lien avec les manifestations de ces dernières semaines contre les violences policières et la mémoire peu interrogée de l’histoire coloniale qu’une nouvelle « Marche des solidarités » a été organisée par les collectifs de sans-papiers à travers la France.
« Les combats sont liés », explique Kante Fussany à Paris, originaire du Mali, qui a participé aux manifestations organisées par le comité Adama le 2 et 13 juin. Cette organisation réclame justice pour Adama Traoré, un jeune homme noir décédé suite à une interpellation en juillet 2016. Pour sa sœur Assa Traoré, Adama est mort parce qu’il était noir. Kante réclame, lui aussi, d’être traité de manière égale, peu importe ses origines ou la couleur de peau : « On est dans un pays d’égalité, des droits de l’Homme. Nous sommes tous là et on veut l’égalité. »
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Les personnes sans-papiers interrogées à Paris ont tous souligné l’épreuve du confinement. Ceux qui étaient enfermés dans les centres de rétention (CRA) – malgré la fermeture des frontières et donc l’impossibilité d’être expulsé – l’étaient souvent dans des conditions sanitaires déplorables. En dehors des CRA, sans papiers ils ne pouvaient bénéficier du chômage partiel et étaient souvent obligés de travailler malgré les risques. Livreur « de bonheur » (ou plutôt de plats préparés) chez Frichti, Keita Ibrahim s’indigne : « Nous avons travaillé pendant le confinement, Frichti nous a exploité ! Il faudrait que nous soyons en règle. » Il n’a plus de revenus depuis que l’entreprise a privé d’emploi tous les sans-papiers, après une enquête de Libération sur leurs conditions de travail.
Bakari a, lui aussi, dû travailler pendant le confinement. Il vit en France depuis six ans et travaille depuis 2016 pour le même patron dans la manutention, mais il n’a toujours pas été régularisé. Même problème pour Diakite. « J’ai travaillé pendant 4 ans au marché de Rungis (au sud de Paris), sans fiche de paie, détaille-t-il. Maintenant je travaille au noir dans le bâtiment, et c’est la même chose : le patron ne donne pas de fiche de paie. » Les fiches de paie sont essentielles afin d’être régularisé par le travail.
Lors de l’arrivée à Stalingrad et sous le pont de cette station parisienne de métro, quelques CRS sont à la traîne. Devant la foule qui arrive, ils prennent la fuite en courant pour rejoindre leurs collègues, sous les rires et applaudissements ravis des manifestants. Pendant quelques secondes, le rapport de force est inversé.