II. L’interdiction préventive et nominative de manifester
Fouiller les manifestant·e·s, ça ne suffit pas aux sénateurs et au gouvernement. Il faut aussi que le préfet puisse interdire à certaines personnes d’aller en manif, purement et simplement.
Peut-être vous direz vous : mais c’est pas déjà le cas ? En fait, ce n’était possible que sous l’état d’urgence. Depuis que l’état d’urgence a pris fin, ce n’est plus possible… et même la loi du 30 octobre 2017, qui a fait entrer dans le droit commun beaucoup de mesures de l’état d’urgence, n’a pas donné la possibilité au préfet d’interdire une personne de se rendre à une manifestation.
Dans le projet, le préfet pourra interdire de manif’ les personnes qui auraient été condamnées, à l’occasion de manifs, pour des faits de violences, de groupement en vue de commettre des violences, de dégradations, d’incendie, ou d’attroupement (armé ou non).
Mais ça ne concerne pas que ces personnes : Est aussi visé quiconque « appartient à un groupe ou entre en relation de manière régulière avec des individus incitant, facilitant ou participant à la commission de ces mêmes faits ». Autant dire que la formule est assez floue pour englober un peu n’importe qui (surtout en période de mouvements sociaux), en tout cas tout·e·s ceux et celles que les services de police et de renseignement vont considérer comme des meneuses ou des agitateurs.
En plus de cela, le préfet pourra même obliger la personne à se présenter au commissariat pendant la manif !
Et au niveau de la répression, les sénateurs, suivis par le gouvernement, n’y vont pas de main morte. Ainsi, si la personne va manifester malgré l’interdiction, elle encourt 6 mois de prison et 7’500 euros d’amende. Et si la personne ne va pas à la manif, mais ne va pas non plus pointer au commico, les flics ont une bonne raison de la coffrer quand même : 3 mois et 3’750 euros d’amende !
III. Ficher les manifestant·e·s
Pour faire respecter une interdiction, quoi de mieux qu’un petit fichage ? Ainsi, les personnes qui ont été interdites de manifester par un préfet (voir la partie précédente) ainsi que les personnes qui ont été interdites de manifester par un juge (voir plus bas) seront fichées exprès. Le sénat prévoyait un fichier dédié, spécial. Les députés ont refusé... et à la place, ils veulent inscrire les manifestant·e·s au Fichier des Personnes Recherchées (FPR) !
Comme ça, le préfet n’aura plus besoin de réfléchir. Il lui suffira de consulter Rebellyon.info (au hasard) et de découvrir que se prépare une manifestation, d’ouvrir le fichier des interdit·e·s de manif’, de cliquer sur « sélectionner tout » et hop, la manif va être plus tranquille à gérer.
Ahhh, l’informatique ! Quel outil formidable !
IV. Punir plus durement la dissimulation du visage
Déjà aujourd’hui, avant cette loi, le fait de se dissimuler le visage en manifestation ou aux abords immédiats, c’est une amende de 1’500 euros (article R645-14 du code pénal) depuis un décret de Sarkozy en 2009. Le changement concerne cette contravention. Il ne s’agira plus d’une simple amende, mais d’une peine encourue d’un an d’emprisonnement et de 15’000 euros d’amende.
Il faut préciser que :
1) aujourd’hui, le fait de se dissimuler le visage dans l’espace public, même hors manifestation, est puni d’une amende de 150 euros maximum (article 3 de la loi du 11 octobre 2010). Cette amende, en pratique, n’est utilisée que contre les femmes musulmanes (ce qui était bien l’objectif de cette loi passée pendant les meilleures années Sarkozy).
2) de même, la loi actuelle prévoit que le fait de se dissimuler le visage aggrave de nombreux délits : l’attroupement non armé (article 431-4 du code pénal) et l’attroupement armé (article 431-5 du code pénal) qui punissent la manifestation si elle ne s’est pas dispersée après une sommation, la destruction ou la dégradation de bien appartenant à autrui (article 322-3 du code pénal), l’extorsion (article 312-2 du code pénal), et le vol (article 311-4 du code pénal).
3) et actuellement, en ce qui concerne les manifs, les flics appliquent peu la loi et ne vont pas chercher dans les cortèges les encapuchonné·e·s, en tout cas pas pour ce seul motif-là.
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