Débat/Concert sur l’extreme droite et l’antifascisme

La soirée se découpe en deux parties.
Face à la progression du fascisme et de l’extrême droite, nous proposons une discussion : Comment analyser cette progression ? Que signifie-t-elle ? Comment s’y opposer, dans les idées mais aussi dans la rue...

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19h30 : Discussion sur la progression de l’extrême droite et de ses idées- Comment penser l’antifascisme ? Quelles sont les implications de l’election de Donald Trump ?
20h30 : Boeuf musical : Par Tonio et ses droogies

Le 25 novembre 2016 à 19h30 au Barricade, 14 Rue Aristide Ollivier Montpellier

Pour introduire la discussion, voici quelques éléments de réflexion sur l’extrême droite et la crise...

Ce travail a comme objectif d’analyser le retour en force que font en Europe différents courants d’extrême droite depuis le début de la crise économique de 2008. Que ce soit les grands partis électoraux comme le FN en France ou le Fidesz en Hongrie, ou des milices néo nazies, comme en Grèce ou en Ukraine, ces formations arrivent à jouer un rôle central dans la vie politique de ces différents pays, profitant de la crise pour voler de succès en succès, sans pour autant réussir à prendre le pouvoir.

Nous comptons deux principaux types de mouvements d’extrême droite : les grands partis électoraux xénophobes, qui tentent souvent de se donner une image moderne se distanciant du fascisme et du nazisme historique, et les groupuscules fascistes de rue dont les exemples les plus médiatiques sont Aube dorée en Grèce et Secteur Droit en Ukraine.

Pour nous, ces différentes manifestations de l’extrême droite ne s’opposent pas, mais au contraire se complètent, agissant là où une autre ne pourrait pas triompher. Ces différents groupes d’extrême droite participent à un même mouvement visant à mettre en place une gestion nationale du capital, c’est-à-dire une économie libérale mais encadrée par des frontières.

Dans le débat public, jusqu’ici, la plupart de ces groupes ont été caractérisés comme « fascistes », en référence aux régimes allemand et italien qui chutent en 1945. Cette appellation infamante a servi un temps de rempart face à ces groupes, mais elle est de moins en moins d’actualité. Par exemple, le FN de Marine Le Pen est en voie de « dédiabolisation », et celui qui traite sa dirigeante de fasciste encourt désormais un procès.

Face à ces mutations, se pose la question, souvent posée, de savoir ce qu’est vraiment le fascisme. En effet, la plupart de ces mouvements d’extrême droite, à par les groupuscules de rue néo fascistes, n’ont au final que peu de ressemblance avec le fascisme historique des années 1930 et 1940. Plus d’uniformes, plus de violence de rue, parfois même un antiracisme de façade et une acceptation de la démocratie parlementaire sont autant de différences significatives avec le fascisme historique.

Ces différents groupes d’extrême droite participent à un même mouvement visant à mettre en place une gestion nationale du capital

La vague d’extrême droite qui frappe l’Europe n’est pas une répétition des années trente. En effet, l’histoire n’est pas cyclique, et les conditions sociales et économiques changent, ce qui fait que le fascisme d’Hitler ou de Mussolini n’est plus possible dans l’Europe des années 2010.

Néanmoins, le fil conducteur est l’idée selon laquelle, en termes de gestion économique et politique du capitalisme, le projet de cette nouvelle extrême droite est similaire : outre l’utilisation d’une rhétorique semblable à celle du fascisme historique, la principale caractéristique de ce courant politique est, sous un vernis social, la proposition d’une gestion nationaliste du capitalisme. Celle-ci frapperait d’abord les flux de travailleurs immigrés, avant de proposer une gestion nationale de l’économie. Ce projet est bien entendu assorti d’un fort autoritarisme politique, frappant les opposants politiques et surtout les plus pauvres au nom de la « lutte contre l’insécurité ».

Dans cette mesure, s’il y a de significatives différences de forme, la dynamique de la nouvelle extrême droite n’est pas si différente de celle du fascisme des années 30. Nous nous proposons d’essayer de décrypter en profondeur les dynamiques à l’œuvre dans notre période. Rajoutons que c’est aussi l’échec du camp des travailleurs à se défendre en tant que classe qui rend cette vague possible.

S’il est possible de faire directement le lien entre crise et fascisme dans les années 30, de même, le bourgeonnement de tous les groupes fascistes, réactionnaires et d’extrême droite que nous observons est dans une très large mesure liée à la crise du capitalisme que nous traversons. Le choc financier de 2008 a eu des conséquences directes sur l’économie de nos pays, qui se sont traduites par une crise sociale très dure plongeant des millions de gens dans la misère et affaiblissant la classe moyenne.

En effet, depuis les années 1980, l’extrême droite sous toutes ses formes joue un rôle important en Europe. Ce retour en force, inédit depuis la Seconde guerre mondiale, se manifeste alors dans la plupart des pays d’Europe Occidentale.

Ainsi, en Italie, les fascistes jouent un rôle important dans la répression des Années de plomb durant les années 1970 en lien avec le pouvoir, avant de participer à plusieurs gouvernements à partir des années 1990. Des partis comme l’Alliance nationale et la Ligue du Nord s’allient à la droite libérale pour remporter les élections.

En France, le Front National, regroupement de l’extrême droite fasciste et traditionaliste joue un rôle important dans la vie politique à partir du début des années 1980, et dans une certaine mesure a même conquis l’hégémonie idéologique. De grands partis xénophobes, parfois issus du fascisme, réalisent des scores élevés en Scandinavie ainsi qu’en Autriche à partir des années 1990, de même qu’au Benelux. Dans les pays ou ce phénomène se développe moins, de nombreux groupuscules néo-nazis sèment la terreur (en Angleterre à partir des années 1980, en Allemagne à partir de la chute du mur de Berlin). Dans la plupart des anciens pays soviétiques, c’est à la fois l’extrême droite de rue et les partis xénophobes qui se développent.

A partir de 2008 et de la crise des subprimes, une vague d’austérité gouvernementale sans précédent depuis la crise de 1929 s’abat sur l’Europe avec comme prétexte la crise de la dette. Cette vague d’austérité est dans une certaine mesure causée par la crise, mais pour les bourgeoisies européennes, c’est aussi l’occasion de restaurer et de compenser la baisse du taux de profit en s’attaquant aux salaires directs via la stagnation ou la baisse des salaires, et en frappant les salaires indirects par le démantèlement de l’état providence et du workfare. Cette crise est généralisée à toute l’Europe, mais ce sont les états du Sud de l’Europe qui en subissent le plus durement les conséquences.

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C’est dans ce contexte que les différents groupes d’extrême droite connaissent un succès croissant : la plupart des mouvements d’extrême droite qui existent en Europe ont le vent en poupe. Grands partis xénophobes, milices néo fascistes, thinks tanks et mouvement sociaux de droite sont autant de moyens d’action pour l’extrême droite. Avec la crise, celle-ci connaît une croissance qui s’apparente à une tendance de fond.

Il serait fastidieux de tous les détailler, mais nous pouvons citer quelques un de ces succès. Les groupuscules fascistes de rue jouent un rôle important dans les évènements de la place Maidan en Ukraine, mais aussi en Grèce. En France ont lieu depuis 2012 plusieurs mouvements sociaux de droite défendant principalement les intérêts des petits patrons comme les Bonnets Rouges, mais aussi les institutions patriarcales durant la Manif pour Tous. Dans ces mouvements de masse les groupes fascistes sont comme des poissons dans l’eau. Les grands partis xénophobes volent de succès en succès aux diverses élections à l’échelle du continent, les dernières en date à l’heure où nous écrivons ces lignes étant les élections européennes de 2014 qui ont notamment vu le Front National de Marine Le Pen arriver en tête en France avec 25% des votes exprimés.

Comment expliquer ces succès ? En effet, la croissance de l’extrême droite en période de crise n’a rien de mécanique. Par exemple au Brésil et en Turquie, pays eux aussi frappés par la crise, ce sont les mouvements sociaux et les révolutionnaires qui se développent rapidement. Pour nous, il y a plusieurs raisons pour lesquelles cette extrême droite arrive à susciter un tel engouement.
Ces courants proposent une remise à plat autoritaire de la société, avec un discours contestataire ciblant des « élites mondialisées » et une immigration « sauvage » qui fonctionneraient main dans la main, l’une profitant de l’autre pour briser l’unité nationale.

La première raison pour laquelle ce discours a la chance de prospérer est l’échec du camp des travailleurs. Au cours des années 1990 et 2000, un large mouvement contre la mondialisation et le s’est développé, notamment par l’altermondialisme, mais aussi des mouvements sociaux d’ampleur. Celui-ci a dans une large mesure échouée à empêcher ce virage néolibéral, qui s’accentue depuis le début de la crise. L’échec de ce mouvement tient dans une large mesure à son incapacité à prendre en compte les rapports de force. Son réformisme et son légalisme ont empêché ce mouvement de remporter des victoires face à des institutions capitalistes bien déterminées à ne rien lâcher.

Ce mouvement s’est dans une large mesure soldé par la création de structures telles que le Front de Gauche qui se limitent à des gesticulations réformistes sans aucune perspective ni envie de changement radical. De son côté, l’extrême gauche révolutionnaire s’est en partie convertie au réformiste de type Front de Gauche et de l’autre de par sa dispersion, ses divisions et sa taille réduite, n’est que très peu audible. Ainsi la capitulation du gouvernement grec, dirigé par Alexis Tsipras, et soutenu par la coalition Syriza, en est un des exemples les plus flagrants.

la création de structures telles que le Front de Gauche qui se limitent à des gesticulations réformistes sans aucune perspective ni envie de changement radical

A cet échec du camp des travailleurs s’ajoute le discrédit des institutions de la démocratie bourgeoise. Celles-ci jusqu’ici avaient plutôt bien tenu le choc, suscitant une assez forte adhésion, malgré une démocratie au mieux de façade. La crise et l’austérité ont remis en cause un des piliers de ce système, le clientélisme électoral : prendre des mesures de redistribution en direction de diverses parties de la population était un bon moyen d’assurer l’adhésion de la population aux institutions « démocratiques ». Avec la crise, cela n’a plus été possible, les budgets de l’Etat allant diminuant et servant à rembourser la « dette ». De plus, la fiction de l’alternance droite – gauche a été mise à mal. Les partis de gouvernement ont affiché un discours austéritaire et sécuritaire relativement similaire, allant même jusqu’à gouverner ensemble au sein de « grandes coalitions » dans un certain nombre de pays : Italie, Grèce, Allemagne, Pays Bas, Belgique, Grande-Bretagne, Suisse…

L’austérité, les mesures impopulaires prises par les différents gouvernements conjugué à la l’absence d’une alternative audible du côté des révolutionnaires ont ouvert un boulevard à l’extrême droite vers qui se tournent les insatisfaits. L’extrême droite produit un discours simpliste offrant une rhétorique pseudo-contestataire qui malheureusement séduit en période de crise. Sans détailler les discours des différents partis, ceux-ci vont toujours dénoncer l’establishement, accusé de vendre le pays à l’étranger, offrant ainsi un discours antisystème à peu de frais. A cela s’ajoute une dénonciation d’un ennemi intérieur, les immigrés ou encore mieux, l’Islam. L’islamophobie remplace même l’antisémitisme dans une certaine mesure, agitant aujourd’hui le fantasme du « Grand Remplacement ».

Pour résoudre ces problèmes qu’elle a largement inventée, l’extrême droite européenne propose tous la même solution : une gestion nationale du capital. Cette gestion se présente en rupture avec l’ordre mondial néolibéral, mais si elle s’éloigne dans une certaine mesure du capital étranger, elle ne rompt certainement pas avec l’exploitation. Ce projet s’appuie sur un état fort, autoritaire, sécuritaire pour ne pas dire totalitaire. La principale mesure des fascistes, à part de faire preuve d’autorité, consiste à arrêter la mise en concurrence du travail entre différents pays via un discours anti immigration et l’application de la préférence nationale. A cela s’ajoutent des mesures plus ou moins fumeuses de gestion nationale de l’économie. Cette gestion nationale, comme nous le verrons plus loin, est assortie d’un projet d’épuration du prolétariat. L’extrême droite propose d’exclure de bon nombre de ressources telles que l’accès aux emplois ou à la Sécurité sociale une partie du prolétariat, de préférence d’origine immigrée et considérée comme improductive.

Dans le contexte de crise qui est le nôtre, sur les décombres des échecs du mouvement des travailleurs, face à un tour de vis de l’austérité, porté par tous les partis de gouvernement, l’extrême droite connait donc un franc succès en proposant une gestion différente du capital face au dogme TINA (there is no alternative) néolibéral. Celle-ci est non seulement illusoire dans le cadre du capitalisme mondialisé, mais de plus elle n’aboutirait qu’à augmenter l’exploitation capitaliste, tout comme les régimes fascistes.

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