Comment ouvrir un squat en 5 étapes ?

Ton propriétaire te fait chier ? Le Crous te séquestre dans une chambre universitaire de 11 m2 ? T’en as marre d’être dépendantE de tes parents ? T’as jamais une thune à cause du loyer, des charges, et de cette putain de taxe d’habitation ? Ouvres un squat ! Ce n’est pas si compliqué, c’est plutôt excitant et si c’est fait dans les règles de l’art, tu risques quasiment rien. Le Poing s’inspire des brochures de squatteurs, notamment ‘‘Le Squat de A à Z’’, pour vous donner des conseils pour ouvrir un squat et ne pas se faire expulser trop vite.

Squatter, ça veut dire vivre dans un bâtiment abandonné sans avoir demandé d’autorisation à personne. C’est refuser de payer un loyer à un propriétaire qui possède plus d’un logement quand d’autres n’en possèdent aucun. Certains squats se revendiquent militants et/ou culturels, d’autres sont juste des lieux d’habitation. De fait, tout squat est « politique » dans la mesure où c’est une contestation en acte de la propriété privée. Si tu te lances dans cette lutte, tu vas donc rejoindre le camp de ceux que l’État et la police considèrent comme « indésirables ». Toi aussi, rejoins le côté obscur de la force !

Repère ta maison

Commence par te trouver une bande de potes motivés pour faire du repérage de bâtiments vides. Pas besoin d’être dix milles sur l’affaire, une poignée de copains et de copines sérieux suffit largement. Avoir des bricoleurs dans la bande n’est pas inutile. Le repérage se fait le plus discrètement possible, de préférence la nuit. La cible, ce sont tous les bâtiments vides. Plusieurs indices peuvent vous aider à en reconnaitre un : volets fermés, boîte aux lettres pleine de vieilles pubs, tas de feuilles mortes devant la porte, jardin en friche, etc. Plus ça a l’air abandonné depuis longtemps, mieux c’est. Une fois le bâtiment choisi, il faut s’assurer qu’il n’y a plus de passage dedans. Pour cela, placez un bout de papier dans l’embrasure de chaque porte et portail et vérifiez régulièrement s’ils sont toujours là. Ca marche aussi en mettant un petit bout de bois dans les serrures.

Pensez, lors de ces repérages, à bien observer les entrées possibles pour la première visite (porte, lucarne, garage, velux, soupirail, volet et autre fenêtre mal fermée…) et imaginez de quel matériel vous aurez besoin. Vous pouvez prendre des photos du lieu, ça permet de pouvoir observer le bâtiment de chez vous et ça permet de vous faire passer pour un photographe amateur au cas où un voisin s’étonnerait de vous voir roder dans le quartier. En complément des repérages sur place, pensez à utiliser la vue du ciel de Google Maps pour avoir une autre vision du bâtiment et repérer des détails qui vous auraient échappés.

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Photo du Royal OQP

Rentre dans le bâtiment et barricade toi

Une fois que vous vous êtes mis d’accord sur le bâtiment à occuper, réunissez vos potes avec qui vous souhaitez investir le lieu et faites vous un récapitulatif collectif, histoire d’être sûr que tout le monde a les mêmes informations. Mettez des outils de côté : marteaux, tournevis plats et cruciformes, pied de biche, vis, serrures, clous, perceuse sans fil, ciseau à bois, mètre, chaine, cadenas… Prévoyez aussi de quoi tenir quelques jours : vêtements chauds, couvertures, eau, bouffe, bougies, allumettes, jeux de cartes, etc. Regroupez vous par binômes et répartissez vous des rôles pour l’ouverture : les guetteurs planqués dans la rue, ceux qui checkent le rez-de-chaussée, ceux qui montent au premier étage, ceux qui trimballent le matos, etc. Pour minimiser les risques de se faire griller, mieux vaut rentrer la nuit. Sonnez avant d’entrer à la sauvage, avec une excuse bidon au cas où vous tombiez sur des habitants. Ne flippez pas en rentrant et ne faites pas les fous. Ne courez pas partout, ne gueulez pas et faites attention à ne pas éclairer les fenêtres. Le mieux, c’est d’avoir des lampes frontales à lumière rouge pour vous guider.

Si vous vous rendez compte que vous êtes dans un logement meublé : cassez-vous ! On pourrait vous reprocher une violation de domicile avec dégradation volontaire et vol. Si les toits, les murs et les planchers sont trop délabrés, cassez-vous aussi. Une fois ces vérifications faites, ne perdez pas de temps. La priorité c’est de verrouiller toutes les entrées et de se barricader ! Pendant qu’un binôme pose des verrous, un autre peut chercher s’il n’y a pas une boite planquée quelque part avec les clés des portes. Acharnez-vous à barricader chaque entrée du bâtiment avec tout ce que vous trouvez sur place, mais réparez le plus vite possible tout dommage matériel causé aux portes et fenêtres pour amoindrir les risques d’une procédure de flagrant délit pour effraction. Une fois le barricadage effectuée, envoyez le binôme de guetteurs vérifier qu’il n’est effectivement pas possible de rentrer. Si c’est le cas, vous avez alors accès au niveau 3 : le sous-marin.

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Attend le passage des flics et des huissiers

Ce qu’il faut avoir en tête en commençant la période de sous-marin, c’est qu’après 48h de squat, la police ne peut légalement plus vous expulser. Théoriquement, seule une décision de justice peut alors vous faire déguerpir, sauf si un juge considère que vous êtes rentré par effraction. Mettez un nom (vrai ou faux) sur la boite aux lettres et faites vous envoyer une enveloppe timbrée et datée pour prouver que vous êtes là depuis plus de 48 heures et éviter une procédure de l’huissier par requête anonyme. Vous pouvez même obtenir des courriers antérieurs à votre arrivée en écrivant une adresse au crayon de papier que vous modifierez au stylo après réception. Mais gardez en tête que seul le passage de la police ou d’un huissier enclenche à coup sûr l’ultimatum des 48h. Si les flics et les huissiers ne passent pas le même jour, considérez que l’ultimatum commence à partir du deuxième passage. Un choix possible, dès 48h ou dès que vous êtes bien barricadés, c’est d’appeler vous mêmes la police, par exemple en se faisant passer pour un voisin ayant constaté l’occupation. Cela permet de choisir quand les flics arrivent et de ne pas vivre dans l’attente de leur passage pendant plusieurs jours. D’autres préfèrent restez discrets le plus longtemps possible, c’est à vous de voir. Quoiqu’en dise la loi, la réaction des flics reste dure à prévoir et vous n’êtes jamais à l’abri d’une opération ninja d’une équipe de la BAC en manque d’action, surtout dans le cadre de l’état d’urgence. La barricade est donc votre seule amie.

La règle absolue en cas de passage d’un huissier, de la police ou du propriétaire, c’est de ne pas leur ouvrir ! Parlez-leur depuis une ouverture en hauteur ou envoyez quelqu’un de l’extérieur leur parler sur le trottoir. Précisez, même si c’est faux, que la maison était ouverte et que vous êtes là depuis plus de 48h, ce qui, en faisant du bâtiment votre domicile principal, évite un flagrant délit qui pourrait amener les flics à se considérer en droit de faire une expulsion immédiate. Le bluff est de mise : dites que vous avez un avocat, qu’il s’agit d’une opération d’ouverture de squats dans le cadre d’une campagne nationale contre le mal-logement, que les journalistes sont en train d’arriver et que visiblement, tout lemonde était au courant sauf eux. Divulguez le moins d’informations possible, y compris aux voisins curieux. Trois ou quatre jours après le passage des flics et/ou des huissiers, vous pouvez considérer qu’aux yeux de la loi, vous êtes chez vous !

Ecrivez alors ce message et collez le à la porte : « Ce lieu est notre domicile ainsi que notre résidence principale. En tant que résident-e-s de l’immeuble, nous sommes protégé-e-s par la loi. Agir hors du cadre procédural, c’est heurter un des principes du droit français, l’inviolabilité du domicile. Selon l’article 432-8 du Code pénal, ‘‘Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.’’ D’après l’article 226-4-2 du Code pénal, ‘‘le fait de forcer un tiers à quitter le lieu qu’il habite sans avoir obtenu le concours de l’Etat dans les conditions prévues à l’article L153-1 du code des procédures civiles d’exécution, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.’’ Il ne peut y avoir d’expulsion sans décision exécutoire du tribunal ». Squat : 1 – Propriété privée : 0.

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Remet l’eau et l’électricité

Pour l’électricité, il faut commencer par repérer les endroits où c’est mal foutu en vérifiant l’état des prises, des interrupteurs et des câbles. Quand les installations n’ont pas l’air trop craignos, vous pouvez tenter de remettre en route le disjoncteur différentiel, si possible en ayant baissé avant tous les fusibles. Si vous ne le sentez pas, mieux vaut appeler un pote qui s’y connaît plutôt que de s’électrocuter ou de provoquer le départ d’un incendie. Si vous voulez payer l’électricité, contactez EDF et donner leur le nom de l’ancien abonné (facultatif), le numéro du compteur et les chiffres de la consommation précédente. En cas de refus, mettez-leur la pression et rappelez-leur que le rôle d’EDF n’est pas de se substituer à la justice mais de fournir un besoin vital.

Pour l’eau, regardez dans la maison, souvent dans la cave, s’il y a une vanne et un compteur (ou une plaque au sol, rectangulaire et en fonte, souvent amovible). Ouvrez la vanne et faites des tests avec les robinets. Si rien ne se passe, c’est probablement que l’eau est coupée depuis la rue. Cherchez alors des petites plaques en fonte à l’extérieur, généralement de 15cm de diamètre, ouvrez-les et tournez le robinet à l’intérieur. Parfois le robinet est enfoui à plusieurs mètres et il faut alors se dégotter une clé de fontainier pour pouvoir y accéder. Là encore, n’hésitez pas à faire recours à des potes qui s’y connaissent.

Prépare ta défense

Maintenant que vous êtes installés, restes à savoir ce que vous allez faire du lieu ! Combien de personnes peuvent être logées ? Est-ce juste un squat d’habitation ou souhaitez-vous aussi accueillir des réunions, des ateliers, des projections, des concerts… ? Quelles relations nouer avec les voisins et les commerçants ? Quels sont les travaux à réaliser ? Comment s’organiser en interne pour prendre des décisions collectives et les faire appliquer ? Faut-il parler ou non aux journalistes ? Tolérez-vous la présence de glandeurs, d’alcooliques, de petits chefs ou de sexistes parmi vous ? Quelle stratégie adopter face à la justice ? Etc. La plupart des problèmes soulevés par ces questions se résolvent au fil du temps, par l’action. Il ne sert donc à rien de tout vouloir régler à l’avance, mais il est toujours utile de savoir ce qui se fait déjà dans d’autres squats pour éviter de réinventer la poudre tous les quatre matins.

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Photo du Royal OQP

En matière d’organisation, se fixer une assemblée générale interne par semaine n’est pas de trop et si vous avez vocation à ne pas être qu’un squat d’habitation, il est pertinent de prévoir des assemblées générales ouvertes à d’autres gens pour faire respirer un peu le lieu. Concernant le voisinage, il paraît logique d’entretenir des bonnes relations avec le quartier. Vous pouvez mettre des tracts dans les boites aux lettres, faire du porte-à-porte et organiser un petit apéro pour rencontrer les voisins et expliquer votre action. Vous n’êtes pas non plus là pour garantir la paix sociale et si un commerçant ou un voisin se montre trop menaçant, mieux vaut poser clairement ses limites. Quant aux journalistes, il y aura toujours des torchons locaux pour vous cracher à la gueule et il n’y a rien à faire avec eux, mais il faut reconnaître qu’avoir un reportage ou un article favorable d’un « grand » média peut être utile pour construire un rapport de force face à la « justice ».

La question judiciaire est plus complexe. Une procédure peut être lancée contre vous entre quelques heures, quelques mois et quelques années après votre arrivée officielle. Libre à vous d’ignorer la procédure et d’écrire des faux noms sur la boite aux lettres, mais sachez qu’assurer une défense devant un tribunal présente plusieurs avantages. Le principal, c’est que jusqu’à la décision du juge, vous êtes théoriquement à l’abri d’une expulsion. Se faire représenter permet aussi de tenter d’obtenir que la demande d’expulsion soit déboutée, ou de manière plus réaliste, d’obtenir les délais prévus par la loi, ce qui vous permet d’organiser sereinement votre départ. Dans le pire des cas, vous risquez peu car jusqu’à maintenant, les procédures pour squats dépendant de la juridiction civile, c’est-à-dire un conflit entre deux parties où il n’y a pas de risque de prison. Ce qui peut éventuellement être considéré comme un délit et vous faire passer du coté pénal de la justice, c’est d’être pris en flagrant délit lorsque vous vous introduisez par effraction. Si vous faites le choix d’une défense juridique, veillez tout de même à faire représenter devant la justice des personnes qui ne sont pas solvables. Préférez un avocat connu des milieux militants mais ne lui déléguez pas le travail : c’est à vous et à vous seuls de bâtir votre stratégie de défense. Côté pognon, une aide juridictionnelle est prévue par la loi pour tous ceux qui gagnent moins que le SMIC. Dans tous les cas, ce n’est pas parce que l’on se défend au tribunal qu’il faut négliger d’autres axes de résistance : pressions publiques, actions directes, manifs, harcèlement des proprios, communication sur le quartier. Vous pouvez aussi essayer de faire la Révolution, mais là ça devient le bordel.

Intégrallement repris du journal papier Le Poing

P.-S.

Féminisé par le collectif d’animation du site Le Pressoir

Tous les dessins sont de Titi, sauf le dernier qui est de Guinou.

Le squat de A à Z

Référence absolue pour les apprentis squatteurs (l’article précédent s’inspire largement de cette brochure). Mis à jour plusieurs fois depuis sa première parution en 1999, « Le squat de A à Z » est un petit guide pratique et juridique qui donne quelques conseils pour ouvrir un squat et faire en sorte de ne pas se faire expulser trop vite. La dernière version a été rédigée en 2014 par des gens d’un peu partout, et notamment de Toulouse, de Lyon et de la banlieue parisienne.

Liste des cessions immobilières de l’État

Ce site gouvernemental recense par région et département tous les bâtiments publics abandonnés que l’État cherche à vendre.

Petit manuel d’électricité DIY

Un guide pratique qui s’adresse surtout à celles et ceux qui occupent des maisons vides, souvent restées à l’abandon depuis des années et avec des installations électriques vieilles et dangereuses, et plus largement à toute personne qui veut installer elle-même l’électricité dans sa maison.

Petit cours introduction sur les alarmes

Ce texte a pour but de se familiariser aux systèmes d’alarmes domestiques et d’apprendre quelques techniques permettant de les contourner. Un maximum de pistes y sont avancées, sans la prétention de l’exhaustivité. Il y a actuellement quatre voies pour s’attaquer à une alarme : la centrale, le câblage, les détecteurs, et, enfin, les avertisseurs.

Les secrets du crochetage

Ce manuel parle de la théorie du crochetage compris comme l’art d’exploiter les défauts mécaniques des serrures. Les premiers chapitres présentent le vocabulaire et les informations de base concernant certaines serrures et leur crochetage. Côté pratique, un chapitre est consacré à un ensemble d’exercices choisis avec soin pour vous aider à acquérir les tours de main et l’habileté nécessaire au tâtage et au crochetage. Le premier appendice décrit comment fabriquer soi-même ses outils de crochetage. Le second appendice quant à lui présente l’aspect légal en France.

Il y a aussi un dossier sur les passes PTT sur plasticoportique.net, dans l’onglet « Rafale n°2 »

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