Arnaque éthique au Crédit coopératif

Sur le site internet du Crédit Coopératif, cette « banque coopérative et engagée », on peut lire qu’elle agit pour « une société où l’homme et son environnement priment sur le capital ». Enquête. Extraits d’un article publié sur Le Postillon, journal de Grenoble & sa cuvette.

Au Postillon, comme plein de gens à la recherche d’une banque « moins pire », on a un compte au Crédit coopératif. On n’a jamais eu beaucoup d’illusions sur cette banque, mais on croyait jusqu’à peu que cette structure se tenait quand même un peu éloignée des affres du capitalisme moderne. Sur le site internet de cette « banque coopérative et engagée », on peut d’ailleurs lire qu’elle agit pour « une société où l’homme et son environnement priment sur le capital ».

Alors on est allé voir de plus près. Et patatras. Les « investissements socialement responsables » que propose la banque servent en fait à financer des entreprises comme Coca-Cola, Carrefour et Vinci. La « finance collaborative » permet avant tout à des riches de payer moins d’impôts, et comme toutes les autres banques, le Crédit coopératif pousse aussi ses clients à s’endetter.

« Des clients à forte utilité sociale », « des produits bancaires pour agir », la communication du Crédit Coopératif fait rêver. Pour votre épargne, la « banque engagée » vous propose par exemple des « produits » labellisés ISR (Investissement socialement responsable). En général il s’agit de placer de l’argent dans une enveloppe d’assurance-vie ou un PEA (Plan d’épargne en actions) pour défiscaliser vos revenus. Ces produits financiers sont conçus par Ecofi, une filiale du Crédit coopératif.

« Épargne Éthique Actions » : un joli nom pour faire croire que votre argent est entre de bonnes mains. Sur le site d’Ecofi, Tony Boisseau, « Gérant Analyste Quantitatif » nous assure en costard cravate : « Épargne Éthique Actions est une Sicav qui, dans le cadre d’une gestion dynamique, pratique une gestion socialement responsable (ISR) engagée (...). La Sicav n’investit pas dans les entreprises qui produisent ou commercialisent des armes de guerre. »
Une Sicav actions, c’est en gros un pack d’actions. Une action, c’est une part de la propriété d’une entreprise qui est placée en bourse. Acheter des actions renforce la valeur de l’entreprise et vous permet de percevoir en retour une partie de ses bénéfices (les dividendes).

Mais quelles sont les principales entreprises soutenues par cette Sicav « éthique » ? L’arrêté comptable de février 2017 du portefeuille de ce produit (document disponible sur Internet) nous apprend qu’il s’agit des géants du secteur financier (ING, AXA, Allianz), de la chimie (BASF), de la pharmaceutique (Sanofi), du gaz de schiste (Repsol) et même un peu de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes avec la multinationale Vinci. Mais vous n’avez rien vu : malgré l’engagement à propos des armes de guerre, cette Sicav investit également dans Siemens et Schneider Electric qui produisent directement pour l’industrie militaire. Schneider se vante même d’être une référence dans le domaine des lance-missiles de sous-marin nucléaire et des systèmes de contrôle pour missiles nucléaires.

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« La faim et la pauvreté ne sont pas une fatalité : avec le fonds commun de placement Faim et Développement, je peux soutenir des projets qui œuvrent pour le développement des pays du Sud. » Mais dans quelles entreprises investit ce fonds ? Beaucoup de grands noms : en pointant le portefeuille d’actions et d’obligations on tombe sur Coca-cola, Danone, Heineken, Carrefour, LVMH (secteur du luxe made in France en Bulgarie), Christian Dior, Unilever (souvenez-vous des licenciements boursiers des Fralib), EDF, EADS (toujours dans l’armement), BMW, L’Oréal, BNP, Société Générale et même Bolloré, le roi de l’huile de palme.

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Comment de telles aberrations « éthiques » sont-elles possibles ? On a essayé de poser la question au service presse du Crédit coopératif, qui n’a pas daigné nous répondre. Un ami banquier nous a par contre expliqué : « en fait personne ne cherche à quoi sert l’argent des fonds de placement. Tout le monde reste sur la communication, sans aller voir le détail des mouvements boursiers. Je suis persuadé que la majorité des conseillers financiers du Crédit coopératif doivent croire sincèrement au côté éthique des fonds de placement “Faim et développement” ou “Agir avec la fondation Abbé Pierre” ; parce qu’ils ne sont jamais allés gratter derrière la communication. »

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Comme toutes les autres, la « banque engagée » ne veut pas voir seulement ses clients épargner, mais désire aussi leur filer des crédits. Sur le site internet, on peut trouver cette annonce : « envie d’un canapé neuf pour le salon ? Avec le prêt à la consommation, je peux financer toutes sortes de projets. Un excellent moyen de conserver mon épargne ». Aussi fou que cela puisse paraître, la solution la plus saine financièrement si vous avez de l’épargne c’est de l’utiliser au lieu de faire un crédit. Mais en gardant de l’argent de côté, c’est plus juteux pour la banque car elle se rémunère sur votre encours d’épargne en même temps qu’elle encaisse les intérêts du crédit.

P.-S.

Extraits d’un article publié sur Le Postillon, journal de Grenoble & sa cuvette.

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