Action contre le Centre de rétention à Sète

Retour sur la journée du mercredi 23 mai 2018 au Centre de Retention Administratif (prison pour personne migrante) de Sète. Intégrallement repris de la page facebook personnelle du témoin.

Impossible de ne pas raconter. Ne serait-ce qu’essayer encore une fois. Et ce matin il faut d’abord trouver les mots, se souvenir des paroles et des voix entendues, des sanglots d’Imene et des tristes sourires face aux grilles d’un centre de rétention, un jour de plein soleil dans le sud de la France.

C’est dans la nuit que le message de Pierre m’est arrivé. De passage en Charente, il relayait celui de Gianina revenue d’Algérie, alertée par Maryvonne qui vit à Béziers. Une chaîne de messages pour alerter et donner rendez-vous vers midi, devant les portes d’un Centre de rétention où depuis la veille, un père de famille refusait de se nourrir, désespéré d’être enfermé loin de ses deux enfants, menacé d’être expulsé par le premier avion vers l’Algérie qu’il a quittée en 2015.

Chaque expulsion est un crime quand l’État qui l’ordonne sait qu’il détruit plusieurs vies, celles d’une famille qui a choisi la France pour essayer de travailler malgré les lois qui en empêchent, et pour élever deux enfants dont le plus jeune, Moussa, souffre d’un lourd handicap. C’est ce crime qu’il faut raconter, et les larmes d’Imene devant les grilles du Centre de rétention, face aux sourires les bras croisés d’hommes en armes avec uniformes, fiers d’appartenir à la Police aux frontières qui fait le sale boulot à l’intérieur des CRA.

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journée du mercredi 23 mai 2018 au CRA de Sète

Combien étions-nous, solidaires de la famille Bensaïd sous les regards de la police nationale appelée en renfort ? Je n’ai pas pensé à compter, mais je me souviens des visages. Il y avait celui d’une collégienne, parce qu’à côté du CRA, sur le même quai se trouvent les bâtiments de son collège. Elle a aperçu nos banderoles à la sortie des cours, si bien qu’elle a voulu se renseigner. Quand elle a compris de quelle souffrance organisée il s’agissait, elle a appelé sa mère, sa meilleure amie, sa sœur et sa tante au téléphone, qui nous ont rejoint aussi vite que possible. C’était la même colère qui accentuait toute la beauté de leurs visages. Une colère partagée.

Et puis il y avait les visages des fidèles. Ceux de la Ligue des droits de l’homme, ceux de la Cimade et du Réseau Éducation sans frontières. Ceux de l’Astragale [@L’Astragale], petit local de lutte où nous avons peint ces deux mots : LIBÉREZ MOHAMMED. Et puis les visages d’Excradition générale, la bande d’énergumènes qui écrivent au pinceau des affiches pour dénoncer ce cauchemar qui empire, la folie nationale d’enfermer les exilés dans ces prisons qu’on appelle CRA : l’acronyme du malheur absolu que l’État organise dans nos villes.

Mais ce que je veux raconter, c’est l’appel d’Imene dans le bus du retour. Sa voix de jeune femme trop heureuse de m’annoncer la libération du père de ses enfants, Mohammed. Comme un immense cadeau d’anniversaire, l’homme qu’aime Imene va retrouver le petit Moussa, paralysé dans son landau. Au téléphone, la voix d’Imene passait d’un grand rire aux sanglots. J’ai partagé son rire et puis j’ai partagé ses larmes, comme un idiot, quand elle m’a dit qu’elle voulait remercier chaque personne qui avait pu venir jusqu’à ces grilles. Je pleure encore en écrivant ces mots, à sept heures du matin le jour du 24 mai, sans même savoir pourquoi exactement.

C’est une petite victoire, beaucoup d’espoir aussi pour la famille d’Imene et Mohammed, qui restent tous les deux sous la menace d’une nouvelle arrestation, aussi brutale et inhumaine que celle qui nous a tous mobilisés ce mercredi. À nous de rester en alerte, et de continuer à nous battre pour ceux qui demeurent enfermés. Parce que ce même jour, le 23 mai, le ministre de l’Intérieur ordonnait au préfet de police d’évacuer et de détruire tous les camps d’exilés dans Paris.

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