Le mot "prolétaire", je ne l’ai découvert qu’en lisant 1984, et pour moi ça a toujours sonné comme un pot venant d’un lointain passé. Par contre, "bourgeois", ça, j’ai compris ce que ça voulait dire à la fin de l’école, ou au début du collège. "Lui/elle, c’est unE bourge... T’as vu sa baraque, ses jouets ? Ses parents sont des bourges."

Ce mélange de mépris et d’envie, ce sentiment profond d’injustice surtout, dès l’enfance : on ne se définit pas, mais par contre il y a les autres, les "bourges". On ne les fréquente pas - leurs parents ne veulent pas, et nous non plus, d’ailleurs.

Ce n’est qu’après, en découvrant le marxisme, que j’ai compris qu’on définit les autres plus facilement que soi même, surtout quand la réalité est douloureuse. Que les amiEs d’enfance, les parents, ouvrierEs agricoles, caissières, maçons, ouvrières en usine, c’étaient ces "prols" dont parlaient les bouquins. Illes ne s’appelaient jamais comme ça eux mêmes - si on leur demande, beaucoup disent faire partie de la "classe moyenne", puisqu’illes ont une baraque, une voiture, de l’électroménager, des enfants en ville, et tous les crédits qui vont avec.

Mais s’illes ne mettent pas ce mot dessus, cette réalité, illes la vivent. Et illes la transmettent.

Lu sur une page perso sur facebook et féminisé par le collectif d’animation du Pressoir.