Trois quart d’heure à la CAF Celleneuve

Témoignage d’une excursion en pleine jungle CAF-kaïenne à Montpellier un beau jour du mois de décembre 2017.

Ce matin, par désespoir de ne pas avoir de nouvelles "numériques" de l’avancement de mon dossier CAF pour l’interruption du versement des mes allocations RSA qui traîne depuis trois mois, je décide de me rendre directement sur place à Celleneuve. Déjà, ouf, je tombais bien parce que si jamais j’avais voulu y aller un jeudi c’était fermé au public !

Bon j’arrive un peu tard, à 11h, et là déjà en rentrant je me rends compte que l’intérieur du bâtiment a encore changé depuis mon dernier passage, en mars... La dernière fois il y avait un "accueil" où il y avait une file de gens qui attendaient pour avoir un renseignement, un rendez-vous, plus une ou deux personnes "volantes" pour me guider.

Et bien à la place cette fois-ci, une file, assez courte, disons une dizaine de personnes quoi, mais aucun agent·e au bout ! Je regarde un peu partout, il y a d’un côté une vingtaine d’ordinateurs en "libre-service" où on peut s’asseoir pour prendre (un peu) le temps de faire les choses sur son "compte en ligne", au milieu de l’espace, une zone en travaux (mais qui en fait ne va faire qu’ajouter une dizaine d’ordinateurs...) et de l’autre côté une zone pour imprimer des attestations où on ne peut même pas s’asseoir, des espèces de bornes quoi !

Après un bref a priori, moi qui venais essayer de discuter avec une vraie personne, je me dis que je devrais peut-être faire demi-tour, et puis au bout de quelques minutes, je comprends qu’il y a tout de même des conseillères (que des femmes) habillées en rose fuschia qui tournent d’ordinateur en ordinateur pour "accompagner" les allocataires. Trois ! Elles ne sont que trois à être dans la zones des ordinateurs, trois conseillères pour une vingtaine de personnes installées, plus celles et ceux qui attendent debout... La seule solution pour parler à quelqu’un c’est de s’asseoir à un poste et d’attendre qu’on veuille bien s’approcher de vous. Mais entre la file qui commence à se former malgré le panneau "n’attendez pas pour vous connecter, il n’y a pas de file d’attente", les gens qui arrivent et ne prennent pas le temps de comprendre pourquoi d’autres attendent mais essayent d’avoir qui un ordi, qui une conseillère en doublant tout le monde, et ben forcément on commence à discuter de l’absurdité d’un tel fonctionnement.

J’ai discuté avec un homme d’une quarantaine d’années et on essayait de comprendre à deux comment ça fonctionnait, on a parlé du fait qu’il n’y avait pas beaucoup de conseillères, que ça ne pouvait pas fonctionner, que ça se dégradait. La discussion s’est propagée à quatre personnes. "On dirait que ça ressemble à un espace de vente", et c’est même pas moi qui l’ai fait remarquer ! Bon par contre c’est sûr j’ai entendu deux personnes dire que "au moins pour une fois les conseillères elles savent ce que c’est que bosser à courir partout, plutôt qu’être dans un bureau", j’ai tenté de donner mon point de vue, d’argumenter que c’était pas de leur faute, les restrictions budgétaires, les effectifs amoindris, que c’était plus haut, les ordres, la pyramide, le gouvernement tout ça, mais c’était relativement peine perdue. Néanmoins c’était assez sympa de se rendre compte d’une certaine forme de solidarité dans cette file d’attente : on a laissé passer une femme, on s’est mutuellement prévenu dès qu’un ordinateur était libre.

Pendant ce temps d’attente, j’ai eu l’occasion d’écouter, puisque on est tous dans un seul grand espace où tout le monde s’agite, la discussion d’un homme d’une petite cinquantaine avec une conseillère. L’homme s’énervait, mais gentiment, il était juste las, désespéré, et la conseillère, plutôt sympa a priori, essayait de lui expliquer et de lui donner des tuyaux pour mieux s’y prendre, mais au bout d’un moment l’homme n’a pas pu s’empêcher de lui dire "mais je ne comprends pas, c’est pas contre vous, mais comment on en est arrivé là ? enfin si, comment vous avez pu accepter d’en arriver là ?", et la femme de lui répondre "et ben parce que j’ai des enfants et des factures à payer monsieur, je suis désolé". Fin de la discussion, incompréhension et impuissance mutuelle. Et ça encore c’était la conseillère plutôt sympa, mais j’ai aussi entendu une beaucoup plus aigrie dire à un autre homme qui ne savait pas trop quoi écrire dans la case du formulaire en ligne pour dire ce qu’était le document qu’il déposait "ah non mais monsieur il faut écrire là, moi si vous ne savez pas quoi écrire, je ne vais pas le faire à votre place hein". Mais rappelez-vous, les conseillères de la CAF sont là pour vous "accompagner".

Les conseillères passent leur temps à aller d’une personne à une autre, quand elles doivent repartir dans la partie "bureaux" - séparés par un cordon genre file d’attente, et surveillé par un type de la sécurité embauché de la boîte prosegur - elles passent devant des personnes qui essayent désespérément de leur demander de l’aide, et à qui elles répondent inlassablement "oui oui je suis à vous dans deux minutes, je finis avec cette personne". Elles ne peuvent absolument pas savoir qui est arrivé dans quel ordre, donc elles font comme elles peuvent mais ça créé des tensions palpables, surtout pour les gens qui viennent à la CAF mais qui doivent repartir bosser.

Forcément, à la longue ça tape sur le système donc moins d’un quart d’heure après être arrivé, un mec d’une soixantaine d’années de l’autre côté de l’espace, aux bornes, qui se met à gueuler contre une borne et peut-être une conseillère je n’ai pas bien vu, mais qui se fait sortir illico par le mec de la sécurité, gentiment, mais bon dehors quand même.

Au final j’ai attendu 35 minutes avant d’avoir quelqu’un qui vienne répondre à mes questions. Elle commence par me dire que le délai de traitement est de cinq semaines en moyenne, je lui rétorque que ça fait trois mois que j’ai pas touché de RSA, elle finit par aller vérifier dans son bureau et m’annonce que le dossier est instruit mais est en "vérification" vu qu’il s’agit de verser trois mois de régularisation d’un coup, mais que "normalement" ça devrait être fait sous une dizaine de jours. Mais en attendant, rien à faire, ça suit son cours.

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