La Salvetat, son eau qui pétille, ses fachos qui frétillent

Des habitants et des habitantes de Salvétat, très en colère, dénoncent l’existence, l’avancé, le regroupement et les méthodes des identitaires en Hauts-Cantons (arrière pays de Montpellier). Dans un contexte de lepenisation de la société et de multiplication d’actes racistes, ce texte révèle un laboratoire fascisant en terre occitane. Ce récit est écrit pendent l’été 2017.

La Salvetat, son eau qui pétille, ses fachos qui frétillent

C’est au début de l’été 2015 qu’on les a vus débarquer chez nous à La Salvetat-sur-Agout, dans les Hauts Cantons. Une quinzaine de jeunes gens, quelques enfants. Bcbg style banlieue ouest parisienne. Ils se disaient musiciens, le groupe des « Ultra-Sixties », spécialité : les vieux tubes des années 60. Une aubaine pour les bals troisième âge locaux, qui font le gros des activités culturelles du coin. Ils avaient acheté au lieu-dit Le Gazel la moitié d’une ancienne colonie de vacances, qu’ils aménageaient en studio d’enregistrement, et cherchaient partout des maisons à louer pour s’y loger. Pourquoi pas. Et les néos arrivés dans la région dans les années 70-80 se sont dans un premier temps démenés pour les aider à s’installer.

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Le repaire des Brigandes au Gazel

Il a fallu attendre le dossier de six pages de Louis Henri de la Rochefoucauld paru dans Technikart en décembre 2015, puis en février 2016 un article dans Le Point, pour découvrir que les « Ultra-Sixties » que nous connaissions étaient le cheval de Troie, et que à l’intérieur, on avait le groupe, le « clan », puisqu’il s’auto-dénomme ainsi, « Les Brigandes ». Concept : sur des mélodies neu-neu à souhait et une scénographie

de patronage, cinq, puis six, puis bientôt sept jeunes femmes costumées maison nous dégoisent le thème du Grand remplacement et de la Reconquête, et autres classiques de la fachosphère, qui jusqu’alors étaient l’apanage de groupes de rock identitaire, où pêle-mêle homosexuels, arabes, islamistes, gauchistes, jésuites, politiciens, journalistes et autres racailles (mais cherchez, derrière, et jusqu’au pape, vous trouverez toujours, parfois bien caché, un complot avec des juifs dedans) se font vouer à tout ce que vous pouvez imaginer.

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Avec l’aide de La Horde, qui déjà dès octobre 2015 avait alerté sur Les Brigandes, quelques uns d’ici que tout cela commençait à inquiéter se sont alors fendus d’un petit article, histoire de décrire l’implantation locale du clan. Illustré d’une jolie photo prélevée sur le site municipal, où toute la brochette brigandine s’étalait en premier rang pour recevoir les vœux du maire. Et puis voilà qu’un lecteur de l’article a reconnu sur la photo le vieux beau au ventre proéminent : il s’agissait de Joël Labruyère, un illuminé de la pataphysique d’extrême droite, entouré de toute sa secte. S’ensuivit, effet non prémédité, mais qui nous a d’autant plus fait rire, gros charivari dans la fachosphère, mené par Rivarol, et désaveu bruyant de la part de la tendance ultra-catho de celle-ci.

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Localement, bien sûr, le caractère de secte du groupe a pu faire tressaillir un peu – toujours davantage, hélas, que ne l’avait fait l’idéologie nauséabonde promue. Mais bien peu. Et d’autant plus que le soutien municipal s’affirmait un peu davantage tous les jours. « J’aime toujours mieux accueillir les Brigandes dans ma commune que des réfugiés, comme à Lacaune », avait dit le maire, le Dr Thibaut Estadieu. Et puis on en était encore de la part des Brigandes à la phase séduction. Alors, « ils étaient si bien élevés », « tous leurs petits enfants si blonds », et puis « moi, leurs chansons, je n’écoute même pas les paroles ». Et Brigandes de proliférer. La quinzaine était devenue une bonne trentaine, enfants non compris, répartis dans tout ce que le village pouvait proposer de maisons à louer.

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C’est ainsi que tout naturellement on est passé à la phase suivante, celle de la démonstration affichée de présence : il s’est agi pour ce groupe de prendre pied dans tout le bourg, de se constituer comme incontournable : dans les assos culturelles para-municipales, pour commencer. Et pas que : dans l’école, où le maire les avait contraints d’inscrire une toute petite partie de leurs enfants, et où ils se sont imposés comme délégués des parents d’élève. A la radio locale. Partout. Et de se montrer dans toutes les manifestations. En même temps, leur studio d’enregistrement déménageait du Gazel à un lieu central, juste à côté de la mairie. Et certains des clips brigandins étaient désormais signés « Les Salvetoises » (toujours aussi neu-neu, mais pour le coup spécial « identitaire local » genre « Fête du cochon et du patrimoine » : « Ici c’est pas pareil faire sa place au soleil c’est pas compliqué » « Comme à La Salvetat j’me la coule plutôt douce Ca pète autour de moi y’a rien qui m’éclabousse ») A distribuer l’été dans les commerces locaux.

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Et dans le même temps, on entrait dans la phase actuelle : l’intimidation. La tactique est toujours la même : tout opposant ou présumé tel, et cela va jusqu’à quiconque se refuse à répondre à leurs « bonjour » agressifs, se fait serrer dans un coin isolé par un groupe de 3 à 6 de ces jeunes gens, et proférer à mi-voix les menaces les plus violentes. Si l’on connaît son adresse, il a droit à sa visite domiciliaire, toujours accompagnée de menaces. Si par malheur pour lui on a repéré son véhicule, on l’intimidera aussi sur la route. Et quelques variantes : la directrice de l’école reçoit une plainte des Brigandes concernant le spectacle de fin d’année prévu, qualifié par les dites d’ « art dégénéré ». Des participants à un festival de poésie locale s’indignent de voir figurer sur le dépliant le logo de la boîte de production des Brigandes, et parviennent à obtenir la suppression de cette marque d’infamie : ils sont l’objet sur leur stand, même au festival, de menaces, insultes et manœuvres d’intimidation. Le Collectif des antifascistes des Hauts-Cantons quant à lui reçoit des menaces d’attaque en justice pour diffamation, accompagnées d’insultes plus ciblées. Et les habitants reçoivent dans les boîtes des courriers où tous les opposants au « clan » sont qualifiés de « gauchistes intolérants et fanatiques ».

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Un habitant, parce qu’il avait signé une lettre collective adressée au maire pour s’indigner du soutien dont celui-ci faisait montre, n’a pu ensuite que s’en aller ailleurs. Plusieurs autres n’attendent plus que de pouvoir le faire. Leurs voisins immédiats au hameau du Gazel vivent sous harcèlement permanent. Et la gendarmerie locale, jugeant sans doute le groupe plus aisé à surveiller, fixé qu’il est à La Salvetat-sur-Agout, refuse le plus souvent, tant qu’il n’y a ni mort ni blessé grave, d’enregistrer les plaintes.

Dans le bourg tout entier s’est installée une crainte. Une crainte qui rappelle fort ce qu’on connaît par les livres et les films de la montée du fascisme en Italie, ou encore des pratiques de l’extrême-droite en Grèce.

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Le Languedoc, et ses Hauts-Cantons en particulier, est déjà fort bien pourvu en fachos (Rodolphe Crevelle, Robert Ménard et ses électeurs, Ligue du Midi…). L’électorat lepeniste y prospère, la presse d’extrême-droite (Lengadoc-Info) s’y affiche. Le groupe des Brigandes, non content de se développer dans les eaux troubles de l’extrême-droite internationale, a noué là, localement, tous les contacts utiles, et s’y produit le cas échéant (ainsi, pour la Journée identitaire à Nîmes le 10 septembre, à la Fête de la Ligue du Midi). On en a marre !

Des habitants de La Salvetat-sur-Agout

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