Rappelons la profonde hypocrisie de tout racisme anti-musulmans aujourd’hui qui voudrait avoir pour point de vue axiologique [1] quelque « laïcité républicaine » issue des « droits de l’homme », et qui critiquerait quelque « obscurantisme » d’un « grand autre » à partir de là. En effet, cette laïcité et cette république, malgré les bonnes intentions qu’elles semblent envelopper, n’appartiennent jamais qu’à la fonction politique moderne qui dérive de l’économie marchande, et qui devra en retour l’encadrer juridiquement, la structurer formellement, puis réellement (l’Etat dit « républicain » assure soin, formation, sécurité, pour une force de travail exploitable). Or, cette économie est aussi la sécularisation [2] d’un christianisme tardif, et de son culte de « l’Homme » abstrait, comme l’indique déjà Marx dans le chapitre 1 du Capital [3]. Elle enveloppe la réaction protestante à la capitalisation catholique « illégitime », soit le culte du travail abstrait, mais aussi ce principe d’accumulation catholique initial, puisqu’en elle cohabitent exploitation et capital fictif.
Autrement dit, tout principe du secteur politique séparé et fonctionnel encadrant l’économie se doit d’obéir aussi et avant tout à cette sécularisation d’un christianisme tardif, européen. Chaque principe juridique ou axiologique issu de ce secteur ne peut être indépendant de cette religion, droits de l’homme, laïcité, égalité et liberté abstraites, etc. La condamnation de l’obscurantisme chrétien par ces mêmes défenseurs de la religion du capital, et de sa politique, peut être considérée comme un principe d’ajustement du christianisme à un principe matériel et social auquel il doit maintenant s’adapter (cela se fait donc au profit du christianisme). Ainsi, « l’homme des Lumières » qui voudrait aujourd’hui condamner la religion musulmane du point de vue de cette « laïcité » « républicaine » et occidentale, dite « anti-obscurantiste », comme si elle n’était pas elle-même marquée par l’obscurité du religieux, est profondément hypocrite ou inconscient. Il est en train d’opposer un principe chrétien barbarisé à une « autre » religion dans ce contexte (qui n’est pourtant pas si « autre », ici), et favorise malgré lui l’idéologie du « choc des cultures », et non pas le combat de la « lumière » contre « l’obscurité ».
Quoi qu’il en soit, en voulant faire cohabiter la république « laïque » française et un retour sévère au christianisme d’Etat (pétainisme) et à l’idéologie du « choc des cultures », Fillon fut certainement très cohérent, d’un point de vue historique, et nous révèle l’être-chrétien et invasif de cette « laïcité » instrumentalisée, de façon très éloquente.