Le Royal occupé n’est pas mort, vive le Royal occupé !

De retour à Montpellier, An Second de l’Etat d’Urgence. Texte de soutien du blogger Jack Alanda. Il nous raconte le Royal Occupé selon son ressenti.

Des projections nombreuses et variées, comme Les Sentiers de la Gloire, Dr. Strangelove, Le Voyage de Chihiro, Lavovare con lentezza, Land and Freedom, Ne vivons plus comme des esclaves, The Rocky Horror Picture Show, Je lutte donc je suis et bien d’autres perles subversives… Des cours de boxe populaire et de marxisme, des leçons d’occitan et de théâtre, une chorale révolutionnaire et des lectures de contes pour enfants, des ateliers sur le féminisme ou l’aiguisage de couteaux – y aurait-il un lien ? –, un séminaire sur l’environnement, un festival de cinéma d’Amérique latine, un débat sur le matérialisme dialectique, un spectacle de Daniel Villanova, et des concerts à foison : rap, reggae, oud turc… que sais-je encore ? Et des rassemblements à n’en plus finir, pour les sans-papiers, contre la répression policière, contre la loi Travail, en soutien à de jeunes militants interpellés pour d’invraisemblables prétextes… Et la construction de chars pour fêter Carnaval, fête populaire et traditionnelle occasion d’inverser ses valeurs autour d’un grand feu de joie, se délectant de voir brûler Monsieur Justice et ses sbires…

Mais quel est donc ce lieu, foyer de contestation et de culture, si hâtivement renommée alternative par les médias ? se peut-il qu’il subsiste un espace de respiration sur des rives méditerranéennes si promptes à voter pour une fasciste blonde ?

Combien sont-ils à m’avoir dit s’être forgé dans ce cinéma les bases d’une culture politique, pratique et théorique

Il s’agit d’un ancien cinéma à une centaine de mètres de la fameuse place de la Comédie, dont les dalles en marbre blanc sont à ce point lustrées qu’on ne peut se hasarder à la traverser en été sans de solides lunettes de soleil, sous peine de risquer une fracture de la rétine. Le Royal, c’était « le premier multiplexe en centre-ville d’Europe équipé de THX », selon la réclame. Des investissements hasardeux, une programmation de merde, puis une fermeture officielle.

Le Royal occupé, c’est tout l’inverse : l’acoustique et la tenue des salles se sont quelque peu dégradées, mais le tarif est imbattable, variant selon l’humeur et les moyens de chacun, de l’entrée libre à la modeste donation glissée dans une casquette à la sortie des salles.

C’est aussi un lieu d’hébergement d’urgence, où l’on a vu arriver de jeunes gens, d’autres plus vieux, voyageurs de passage ou autochtones en situation de détresse, étudiants ou travailleurs, avec ou sans enfants, qui ont trouvé sur place une écoute, des conseils, un toit pour la nuit ou la semaine, en chambre individuelle ou collective.

Le Royal occupé, c’est encore et surtout une belle école de vie, sociale et politique, pour des étudiants qui côtoient, parfois découvrent, la misère voisine d’un cœur urbain si fréquemment nettoyé au chlore et si abondamment doté de dispositifs pour interdire toute sieste aux sans-abris comme aux flâneurs. Combien sont-ils à m’avoir dit s’être forgé dans ce cinéma les bases d’une culture politique, pratique et théorique, s’être outillés et enrichis par les nombreuses rencontres qu’il permet ?

Qu’attendez-vous pour faire un tour au Royal occupé

Lieu de vie et d’échange, sorte d’agora où la parole est plus libre que dans n’importe quel colloque des Rencontres de Pétrarque, où l’on s’ennuie profondément mais entre bonnes gens, cette écharde dans le talon de Monseigneur Saurel, édile de la commune et baron de Caravètes, devrait être évacué sous peu par décision judiciaire du 30 mars. On se demande si, dans cette bourgade surdouée où l’on n’a pas hésité à recourir au GIPN pour déloger un homme puissamment chevelu d’un arbre, le 3e RPIMa ou la Légion étrangère seront nécessaires pour procéder à l’évacuation, attendue plus ou moins n’importe quand, l’état d’urgence offrant un éventail assez fantaisiste de possibilités.

Qu’attendez-vous pour faire un tour au Royal occupé, dont certains déplorent qu’il ne réponde pas aux normes de sécurité si calibrées de l’Union européenne, mais qui manquera tant à la ville une fois fermé. Vendredi 7 avril, des loustics de Tarnac seront de visite pour la présentation d’un film, qui de Villiers-le-Bel à Notre-Dame-des-Landes raconte ces lieux, toujours plus nombreux, où se jouent le contraire des passions tristes entretenues par le pouvoir et les médias : Messa Guerrillera, dont la bande annonce peut être vue ici. Pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour apporter votre soutien à ses occupants résistants ?

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