Fascism is great again

Une analyse à chaud de l’élection de Donald Trump.

L’élection contre toute attente de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis d’Amérique, est un séisme politique. C’est un candidat, connu pour insulter les gens, pour divers actes de harcèlement sexuel, pour vouloir déporter des millions de mexicains, avec une coupe de cheveux et un discours de clown qui vient d’être élu à la tête de la première puissance mondiale. Comment en est-on arrivé là ?

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Que s’est-il passé ?

Pour comprendre ce qui a mené à l’élection, il faut revenir à la crise financière de 2008. Le massif soutien aux banques crée un endettement qui mène à des politiques d’austérité aux conséquences délétères : augmentation du chômage, baisse des salaires, démantèlement des aides sociales en Europe, mais aussi aux USA . Cette crise économique, liée à un essoufflement de la dynamique du capitalisme est durable.

En termes politiques, elle a comme conséquence en Europe et aux USA, l’accélération de la mise en place d’une gestion technocratico-sécuritaire du politique : gauche social-démocrate et droite conservatrices de gouvernement se ressemblent désormais comme deux gouttes d’eau et leur programme est simple : mettre en place des mesures néolibérales et dans le même temps développer le sécuritaire pour museler toute contestation potentielle…

Cette accélération des réformes néolibérales appelle à une réponse progressiste, par les luttes, , et ces réponses se retrouvent aussi un peu partout. Malheureusement, le 8 novembre aux Etats-Unis ce n’est pas cette réponse qui l’a emporté. C’est celle de l’extrême droite, pour ne pas dire celle du fascisme qui l’a emporté.

Partout en Europe et maintenant aux USA depuis les années 80 l’extrême droite, pourtant anéantie depuis la Seconde guerre mondiale a repris du poil de la bête. Depuis 2008, ce phénomène s’est accéléré, et explique l’élection de Donald Trump aux USA.

Elle ne ressemble plus aux partis fascistes : il n’y a pas de partis de masse, ses militants n’organisent plus de milices, laissant cela aux nazillons folkoriques. A la place, une armée de geeks et de trolls internet font un travail de fourmi pour servir la soupe à des leaders charismatiques qui trustent les médias, comme Trump ou Marine Le Pen. Ses positions se distancient du fascisme classique, mais plus sur la forme que sur le fond.

Au-delà de la personnalité de Trump, des rodomontades racistes, sexistes et anti-medias du milliardaire, c’est un projet profondément d’extrême droite qui a permis à Trump mobiliser afin de gagner les swings states (états indécis) nécessaires à la victoire contre Hillary Clinton.

Il se compose de deux éléments. Le premier est la restauration d’un « capitalisme national ». En gros, cela impliquerait de s’opposer à la finance internationale et les institutions de gestion mondialisées (OMC, FMI, UE…) pour valoriser l’économie « réelle » et l’échelon « national », passant par le protectionnisme, ce qui permettrait de réindustrialiser le pays. Ces propositions seraient pour le moins d’une efficacité hasardeuse. Par contre, elles séduisent fortement : elles promettent aux travailleurs (américains et blancs de préférence) une amélioration de leurs conditions économiques par l’adhésion au projet nationaliste.

Le deuxième composant de ce discours est la promesse de revaloriser le prolétariat. Cette revalorisation du statut de travailleur se ferait en excluant une partie du prolétariat : s’attaquer aux assistés, aux réfugiés, aux immigrés permettrait de faire un tri entre le bon grain et l’ivraie. Pour Trump, et ses nombreux électeurs, les exclure serait la solution économique et symbolique, rétablirait l’équilibre des prestations sociales et garantirait le plein emploi. Inutile de préciser que cette solution, raciste, répugnante, n’aboutirait bien évidemment pas à un résultat souhaitable. Menée à bout, sa conclusion logique serait les déportations de masses et les camps de concentration, d’ailleurs annoncée dans la promesse de Trump de déporter plus de deux millions de travailleurs mexicains.

Malheureusement, de nombreux travailleurs ont été séduits par ce faux discours dont les promesses sont pourtant illusoires. Les perspectives pour les USA sont inquiétantes.

A quoi s’attendre ?

Nul ne sait exactement ce que fera Trump : comme tous les politiciens il ne fait pas ce qu’il dit et ne dit pas ce qu’il fait. Voici en tous cas plusieurs risques que présente son élection s’il met en application tout ou partie de son programme. Et n’oublions pas que les USA sont particulièrement importants, car ce pays est au cœur du capitalisme mondial et sa capacité de nuisance est inégalée.
La première conséquence, en droite lignée du fascisme des années 30 serait la mise en place de politiques racistes à grande échelle : construction d’un mur entre les USA et le Mexique, déportation des sans-papiers latinos, ainsi qu’interdiction de l’entrée des musulmans sur le territoire américain ! Ce programme raciste s’accompagnerait probablement d’une dérive autoritaire : ainsi il a promis de mettre Hillary Clinton en prison. N’oublions pas que Trump est désormais à tête du plus grand appareil mondial de surveillance et de coercition : première armée mondiale, polices, FBI, CIA, NSA, drones, satellites de surveillance, écoutes généralisées…

Cet autoritarisme raciste risque d’aller de pair avec une politique étrangère dangereuse. Beaucoup voient Trump comme le partisan d’un isolationnisme américain qui diminuerait l’impérialisme des USA. Malheureusement, les choses sont plus complexes. Il a aussi promis d’augmenter les moyens de l’armée, mais aussi de remettre en cause l’accord sur le nucléaire avec l’Iran, ce qui ne manquerait pas de créer de nouvelles tensions impérialistes, de même que ses promesses d’envoyer des troupes au sol en Syrie combattre Daech.

C’est aussi son programme protectionniste, notamment vis-à-vis de la Chine qui pourraient non seulement accroitre les tensions impérialistes, mais aussi précipiter une crise économique d’ampleur. Tout d’abord, la Chine est en crise économique et une guerre commerciale avec les US pourrait la faire basculer dans une profonde récession aux répercussions mondiales. De même, le colossal déficit commercial américain est financé grâce aux achats de bons du trésor américain par les pays asiatiques : l’arrêt de leur achat par la Chine pourrait précipiter un effondrement rapide du dollar aux conséquences tout aussi catastrophiques.

Un autre risque est l’effet d’entrainement que peut avoir l’élection d’un candidat comme Trump à la tête de la première puissance impérialiste du monde, boostant l’extrême droite partout dans le monde. Il aura la possibilité d’appuyer ses amis d’extrême droite avec les moyens des USA, mais de plus son élection va donner un coup de fouet à tous les fascistes créant un effet d’entrainement. D’ailleurs, Marine Le Pen ne s’y trompe pas et a salué sa victoire.

Que faire face à ce développement inattendu de la réaction. La première chose est d’apporter notre soutien aux exploités et opprimés des USA : mouvement de précaires, Black Lives Matter, mais plus largement aux minorités et aux classes populaires américaines pour qui les années prochaines vont être difficiles. Cela passera aussi par ne pas laisser le champ de la contestation à l’extrême droite et dévoiler ces gens-là pour ce qu’ils sont, des vendeurs de fausses promesses qui veulent préserver l’ordre établi…. Encore et toujours lutter et ne jamais se décourager !
Matt (AL Montpellier)

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