La nuit debout à Montpellier ou les croque-morts de la révolte

Revenu du boulot samedi à 19h30, je me rends à la nuit debout sur la place de la Comédie, sans grande illusion mais avec l’espoir chevillé au corps que quelques paroles ou actions intéressantes allaient se passer.

19H45 samedi, sorti du travail, j’arrive à la Comédie ou l’AG a déjà commencé depuis bientôt une heure. Quelques centaines de personnes, un grand nombre de militants dont je connais les têtes venus de l’ensemble des organisations d’extrême-gauche montpelliéraines, des personnes que je ne connais pas, une table avec de la bouffe, ambiance chaleureuse, je rejoins quelques potes et commence à écouter les débats.

l’innommable tour de parole ayant soit disant pour but d’établir les règles d’une véritable "démocratie", mais qui, en fait, introduite, permet aux mêmes personnes ayant les codes du militantisme de se passer la parole

Déjà, première déconvenue, l’innommable tour de parole ayant soit disant pour but d’établir les règles d’une véritable "démocratie", mais qui, en fait, introduite, permet aux mêmes personnes ayant les codes du militantisme de se passer la parole. Au lieu de s’invectiver joyeusement, et ce qui en découle, humour et allégresse, cette "assemblée générale" s’enferme déjà avec son soi-disant bureau dans une forme qui me déplait absolument et dont ne peut s’exprimer la rage, la colère, la violence. Ces quelques personnes, subissant toutes les misères et les exploitations du passé, n’en ignore que la révolte.

Nous commençons à discuter avec quelques amis d’une autre déconvenue dans les discours et pas des moindres, celle du soutien au simple et idiot code du travail quand c’est une société qui est à abattre, et en premier lieu le salariat. Déjà, en 1952, quelqu’un avait écrit sur les murs de la Seine ce slogan non dépassé à ce jour, "ne travaillez jamais", et qui contient en lui-même une révolte contre cette vie quotidienne insupportable ou le suicide devient un luxe. En 2016, les militants groupusculaires en sont encore à disserter sur ce méprisable code du travail, à seuls fin de recruter de pauvres militants, sans vie et sans goût lisant cet immonde Camus et oubliant l’humour et la révolte d’un Lautréamont ou d’un Rimbaud.

De plus, il nous parait assez hallucinant qu’une AG se donne le droit d’établir des commissions aussi ridicules que "la commission éducation populaire", sans connaitre le fait qu’au nom de cette doctrine, un grand nombre d’associations citoyennes exploitent à coup de stage ou de petits boulots des jeunes salariés au nom du stupide et méprisable "engagement citoyen". Bref, les formes de cette assemblée ne nous conviennent absolument pas et, à ce moment, ayant eu l’outrecuidance de parler un peu fort, un militant politicard connu de vue vient nous invectiver.

une autre déconvenue dans les discours et pas des moindres, celle du soutien au simple et idiot code du travail quand c’est une société qui est à abattre, et en premier lieu le salariat.

Son discours serait amusant s’il n’était pas si drôle, puisqu’il nous traite à la bonne franquette d’agitateurs, de totos, de casseurs d’AG alors que nous n’avions devant ce désastre même pas envie de prendre la parole. "Anéantissez à jamais ce qui peut détruire votre ouvrage" disait déjà Sade au XVIII siècle : il aurait mériter qu’on lui casse la gueule pour toutes les conneries qu’il a déversé sur nous alors qu’on lui disait seulement de s’éloigner si on le dérangeait. Encore un mot pour terminer sur cette misérable discussion : il nous pose l’éternelle question du militant,

"et vous, alors qu’est-ce que vous faites ?", "vous étudiez la réification, avec de gros livres et de grosses têtes". "Pensez-vous, nous, on se promène, monsieur, on se promène."

A côté des discours préfabriqués militants, je commence dans ce joyeux bordel, l’ambiance quand même sympathique avec quelques bières dans le sac, à comprendre, ayant quelques autres provisions, que non, décidemment, je ne les utiliserai pas ce soir. Et puis, j’assiste à des discours totalement déconstruits ou se mêlent citoyenneté, écologisme, défense des arbres et de la nature mais tout en restant non violent, l’éternel thème de la soirée dans ce monde nucléarisé à l’extrême ou parler d’inverser le rapport de force se frotte aux bisous aux CRS. Tandis que, d’une part, la loi El Khomri n’est qu’une goutte d’eau ayant fait débordé le vase et donc qu’évidemment, on n’en a strictement rien à foutre et que d’autre part, on n’a jamais gagné une guerre de position avec des fleurs, ces discours d’un moralisme ignorant et sans vie mérite une désertion totale et avec empressement.

Ayant eu l’écho, le lendemain, de Perpignan, ou quelques organisations d’extrême gauche avaient les mêmes discours sans goût et sans humour noir, j’éclate de rire en apprenant sur internet et à la TV qu’à Paris, une partie des organisateurs de la Nuit Debout ont appelé les flics quand des casseurs ont fait irruption et fait voler en éclat quelques vitrines pour que l’on respire mieux à Paris : la liberté est le crime qui contient tous les crimes. Si on l’a soutient, il faut le faire jusqu’au bout et assumer les conséquences.

Il faut recommencer la guerre d’Espagne.

Un incontrolé

P.-S.

Ce texte n’est qu’un ressenti personnel et appelle à critique mais, il veut simplement dénoncer les impasses théoriques des discours des uns et des autres et les comportements bureaucratiques et récupérateurs des quelques organisations présentes, bien qu’ils ne s’affichent pas en tant que telles.

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