Manifestation sauvage du 5 Avril

Après le joyeux brouhaha au Lycée Jules Guesde, voilà un article sur la manif partie de la fac de Lettres et qui a rejoint les lycéens pour débrayer les établissements du centre ville.

Récit d’une manif’ sauvage humide :

Montpellier, 05 avril 2016 : appel de la Coordination Nationale Étudiante et des syndicats interprofessionnels à une journée nationale de grève et de manifestation contre la loi El Khomri, dans une logique de durcissement et d’extension de la mobilisation.

Taux moyen de pluviométrie dans la matinée : 2mm/heure. Autant dire un vrai temps de chien.

L’Assemblée Générale de l’université Paul-Valéry, répondant à cet appel, avait donné rendez-vous pour un départ en manifestation au départ du site à 10h30. Un petit groupe ne craignant pas les gouttes se forme devant le portail de Paul-Valéry, et décide, compte tenu des effectifs, de relancer la logique du défilé précédent : débrayer les établissements d’enseignement au cours de notre passage, afin de grossir les rangs. C’est l’occasion de mettre au clair quelques points avec les médias nationaux : en interrogeant la pertinence des images qu’ils pourraient produire aujourd’hui, nous rappelons qu’ils ne peuvent pas diffuser clairement le visage d’une personne si elle s’y oppose. Ils s’intéressent visiblement davantage à une équipe de clowns-patrons qui vient participer à la « fête du travail ».

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clowns-patrons pendent la manif sauvage du 31 mars

La manifestation sauvage s’élance tranquillement en apprenant qu’un blocus est en cours au lycée Jules Guesde, depuis tôt le matin, et que la BAC est intervenue pour un contrôle d’identité.

Nous arrivons à l’UM (Université de Montpellier), site de la faculté des Sciences, et commençons à intervenir dans les amphithéâtres, appuyés stratégiquement par l’équipe de patrons-clowns surdéterminés à faire passer leur mot d’ordre : « vive les esclaves du capitalisme ! ». L’accueil en plein milieu des cours n’est pas digne de celui que l’élite intellectuelle devrait réserver à l’humour et à l’ironie : si quelques enseignants restent cordiaux et compréhensifs, certains n’acceptent pas l’intervention-information-débrayage (qui se fait donc à leur insu), tandis qu’un autre, scandalisé, avorte son cours en concluant « la suite sera en ligne et considérée comme sue » et sort de l’amphi, colérique, sous le regard interrogatif de ses étudiants. Un petit nombre de motivés viennent se rallier au cortège, dont un groupe d’irréductibles, en lutte depuis plusieurs années contre SANOFI.

La suite semble logique : nous devons aller au lycée Jules Guesde pour exprimer et affirmer les liens qui doivent se faire dans le cadre de la mobilisation locale. Nous déambulons quelques centaines de mètres et décidons, pour nous presser, de nous y rendre en prenant les transports collectifs. Sans en débattre, un consensus se fait évident : ceux-ci seront gratuits. En les attendant, un petit groupe de militants de la CGT (interpro), qui a du se résoudre (à cause des conditions météorologiques) à reporter leur pique-nique devant la préfecture, vient nous prêter main forte.

Nous descendons des transports et ne sommes pas tellement surpris lorsque nous voyons la BAC déjà sur place, à attendre de pouvoir suivre le cortège en se racontant certainement des détails croustillants sur la couleur de nos écharpes et de nos chaussettes. La pluie est moins prévisible.

Nous arrivons au lycée Jules Guesde toutes banderoles dehors, en chantant-criant des slogans d’encouragement, et d’autres qui dépassent le cadre de la loi travail : « De l’argent, il y en a, dans les caisses du patronat ». Mais nous arrivons un peu tard : il ne reste devant l’établissement qu’une partie des lycéens mobilisés pour leur blocus, cependant une sorte d’encouragement réciproque se fait au grès de quelques sourires, explications, informations, conseils, et utilisation solidaire des parapluies. Décidant collectivement que la dynamique lancée vaut le coup d’être menée à son terme, nous invitons les lycéens à rejoindre le cortège non domestiqué, dans le but d’aller montrer notre présence et notre détermination à d’autre établissements d’enseignement secondaire. Pour ce faire à nouveau : opération transports gratuits.

Nous sortons à l’arrêt de tramway Saint-Denis, et empruntons l’avenue George Clemenceau, en déambulant anarchiquement au milieu de la circulation. C’est l’occasion de sortir des tracts et de les diffuser. Devant le lycée Clemenceau, alors que nous déployons la banderole « Montpellier lève-toi », nous exhortons les lycéens à se joindre à nous par la petite grille d’entrée piétons, tandis qu’un groupe bien informé accède dans l’enceinte du bâtiment par l’accès véhicules. Les lycéens – on ne peur pas en dire autant du personnel – nous renvoient un sentiment chaleureux et enthousiaste, même si leur capacité de mobilisation spontanée est un peu entravée par les pressions scolaires qui les entourent. Quelques personnes viennent derechef rejoindre le cortège.

Nous prenons alors la route en sens inverse dans l’idée de rejoindre l’assemblée générale des intermittents de Montpellier vers la Comédie, après être passés au préalable au lycée Joffre, pour leur montrer une fois de plus notre volonté de créer des soutiens réciproques. Rebelote pour une traversée au milieu des voitures, pendant laquelle les agents de la BAC nous suivent de très près. Nous arrivons ensuite sur les bords du centre historique, où le nombre recrudescent de piétons a pour effet de souder le groupe et de raviver les passions vocales. L’entrée dans la rue des Étuves, en direction de la place de la Comédie, est l’occasion de prouver encore une fois le potentiel et la puissance sonore d’individus faisant corps, ce qui ne manque pas d’attirer l’attention et l’étonnement des badauds.

En passant sur la Comédie, nous apprenons que l’assemblée générale du CIP-LR (Coordination des Intermittents et Précaires du Languedoc Roussillon) se tient dans la salle Molière, et décidons donc directement de terminer notre parcours par le lycée Joffre. Un petit footing de cent mètres s’improvise, afin d’essayer de prendre de court l’éventuelle « grille fermée » qui nous y attendrait.

En arrivant à Joffre, nous commençons à discuter avec le personnel de la loge, très vite rejoins par la junte administrative. Profitant de l’ouverture du portail des véhicules, un groupe se fraye un accès à l’intérieur des grilles. Un échange verbal s’ensuit, et très rapidement une personne de l’administration, pleine de zèle et de fougue, tente de fermer le portail manuellement, ce qui ne manque pas de heurter les individus sur son passage, qui parviennent en toute réactivité à ne pas se retrouver blessés et enfermés par le métal roulant, et à maintenir l’ouverture. Nous tentons alors de reporter l’échange dans le domaine verbal, et non physique.

Il est décidé ensuite – il pleut depuis le début – de rejoindre l’abri du kiosque sur l’esplanade afin d’y organiser une assemblée générale qui permettra de faire le point sur cette matinée.

La plupart des lycéens présents (Guesde, Joffre, Clémenceau) assistent à leur première AG, qui se centre essentiellement sur un point information-perspectives : prise de tour de parole des lycéens, étudiants, SANOFI… Quelques conseils sont échangés sur les stratégies de blocages. Nous décidons également d’envoyer deux « délégués » à l’assemblée générale de la CIP-LR, salle Molière, dont les liens avec la mobilisation étudiante vont grandissants. L »intervention des étudiants de Paul-Valéry y est très bien reçue : récapitulation des actions et formes de mobilisation, informations sur les dates ultérieures, constat de conditions de vies déplorables qui ne se cantonnent pas qu’à un secteur d’activité, nécessité urgente d’organiser la solidarisation des luttes contre le monde capitaliste et libéral qui pense nos vies comme des outils de production. Les deux étudiant(e)s repartent sous les applaudissement, avec la certitude que les liens sont faits : la CIP-LR confirme sa présence à l’AG du lendemain sur le site de l’UM3 (notamment pour conjuguer les forces en vue de la préparation de la prochaine « Nuit Debout »), et un projet de média indépendant prend forme entre les deux parties.

Que peut-on retenir de cette journée ?

L’évidence : les militants petit-bourgeois de Montpellier n’aiment pas la pluie. Cependant, malgré que cette journée ait été peut suivie, il en ressort une image de détermination, au regard de la motivation qui a animé le défilé sauvage. Si le but de celui-ci était de renforcer les liens entre les différents secteurs et individus en lutte, il faut dire que l’issue est positive.

Nous pouvons également déplorer l’attitude liberticide des personnels administratifs des établissement d’enseignement, qui, dans la logique gouvernementale d’étouffement de la contestation, s’opposent fermement et souvent physiquement (outrepassant alors les prérogatives de leur activité professionnelle) au droit de se réunir et de manifester. Nous souhaitons dans cet axe vérifier une information : l’envoi par les services de scolarité du lycée Joffre d’une lettre de pression aux parents d’élèves concernant la mobilisation de leurs enfants.

Bien que nous pouvons regretter le manque de temps qui nous aurait permis de discuter davantage et librement avec les personnes qui ont donné de leur énergie aujourd’hui, l’Assemblée Générale au kiosque a été la tentative réussie d’une sensibilisation à l’organisation d’un débat collectif qui s’inscrit dans la logique d’une auto-organisation des luttes.

Malgré la répression qui s’abat durement partout en France, et sous l’effet des gesticulades des pouvoirs publics qui, tout sourire, proposent d’engager un dialogue avec les représentants des syndicats étudiants libéraux, cette journée montre notre détermination à amplifier le mouvement au niveau local et national en passant par l’ancrage de solidarités de luttes intersectorielles.

Article n° 35 de la constitution du 24 juin 1793 :

« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »

Un quatuor de la lutte.

Trouvé sur le site du Comité de mobilisation de la fac de Lettres de Montpellier

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